Reportage

10e Route du Rhum-Destination Guadeloupe : cap vers les alizés !

Solitude, tempêtes automnales, embruns glacés au départ de Saint-Malo, caresse puissante des alizés, chaleur et ivresse de l’arrivée à Pointe-à Pitre : tel est le cocktail savamment dosé de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe. En remportant en 07 jours 15 heures 8 minutes et 32 secondes la dixième édition, Loïck Peyron bât le précédent record de deux heures, et inscrit après six tentatives infructueuses son nom au palmarès de la plus belle des transatlantiques.

Par David Raynal



Le départ de la 10ème édition de la Route du Rhum a attiré près de deux millions de personnes. Durant cette période, la cité corsaire a vu ses tarifs hôteliers grimper dès l’ouverture du village. En effet, pour une nuit d’hôtel dans la cité corsaire entre le 23 octobre et le 2 novembre il fallait débourser 147 euros en moyenne ; c’est 67% de plus que l’an dernier à la même période (88 euros) (Crédit photo David Raynal)
La magie du Rhum. Voilà ce que vont aller chercher les 91 marins engagés - il n’en reste au dernier pointage que 66 en course - sur la plus belle des transatlantiques. Une aventure de légende qui rassemble des personnages hauts en couleurs, des inconnus, des hommes et des femmes, prêts à défier l’océan.

Parmi eux, le plus jeune marin de toute l’histoire de la course Paul Hignard (19 ans), et son doyen Sir Robin Knox Johnston (75 ans), premier homme à avoir accompli un tour du monde en solitaire sans escale en 1969. Tous les quatre ans, cette rencontre unique entre un homme, un bateau et la mer, enflamme les foules, mobilise les médias et excite l’appétit des sponsors. Au point de faire converger près de deux millions de néophytes et de passionnés de la mer à Saint-Malo au pied des remparts de la cité corsaire. Avec la présence réaffirmée des grands bateaux de plus de soixante pieds (de 18,28 à 40 mètres), l’objectif avoué de cette dixième édition de la Route du Rhum- Destination Guadeloupe, du nom de la région partenaire qui a succédé à La Banque Postale, est notamment de retrouver le vent de liberté qui a longtemps soufflé sur cette épreuve mythique. C’est ainsi qu’à côté des classes plus modestes mais pleines de ressources (Multi50, Class40 et Rhum), les grands multicoques et monocoques des classes Ultime et IMOCA ont fait le spectacle lors du départ unique donné au large de la pointe du Grouin à Cancale, dimanche 02 novembre à 14 heures.
 

Générations de solitaires

Imaginé en 1978 par le publicitaire Michel Etévenon, le parcours visionnaire de la Route du Rhum allait d’emblée déchainer les passions. (Crédit photos David Raynal)
Imaginé en 1978 par le publicitaire Michel Etévenon, le parcours visionnaire de la Route du Rhum (dépressions atlantiques, calmes anticycloniques, euphorie des alizés) allait d’emblée déchainer les passions.

L’idée de cette course lui est justement venue quand les organisateurs de l’OSTAR, la fameuse Transat anglaise décidèrent, certes pour des raisons de sécurité, mais aussi pour contrer les victoires françaises, de changer les règles du jeu en limitant la taille des bateaux. Michel Etévenon saisira cette opportunité pour lancer une transatlantique en France, ouverte à tous les navires, quelle que soit leur jauge. Pour la première fois, un public de non-initiés allait entendre parler de monocoque, multicoque, prao, ou de catamaran. Lors de cette première édition désormais d’anthologie, ce ne fut pas un catamaran, mais un trimaran qui mit un terme à la suprématie des orgueilleux monocoques.

Présentation des skippers de la classe Ultime à Saint-Malo.(Crédit photo David Raynal)
La petite araignée jaune du Canadien Mike Birch (Olympus Photo) allait, avec seulement 98 secondes d’avance, damer le pion au long cigare effilé du regretté Michel Malinovski (Kriter V), aujourd’hui barré par le jeune  cancalais de 24 ans Benjamin Hardouin.

Une légende était née malgré la disparition tragique d’Alain Colas sur Manuréva. Celle de la « Reine » des transatlantiques et de ces générations spontanées de marins solitaires, Poupon, Arthaud, Bourgnon, Peyron, MacArthur, Desjoyaux et Jourdain. « La Route du Rhum est un événement sportif incroyable, une véritable dramaturgie dont les skippers sont les acteurs et dont l’acte I se joue à Saint-Malo. Cette année, pour la première fois, une dizaine de skippers du Pays de Saint-Malo prendront part à la compétition. De l’audace, des initiatives, de la jeunesse, ils sont porteurs d’un projet et d’un défi, ils incarnent l’esprit d’entreprendre et le dynamisme du Pays. Depuis le 14 septembre, ils sont réunis sur le « Ponton des Skippers du Pays de Saint-Malo » souligne Claude Renoult, maire de Saint-Malo et président de Saint-Malo Agglomération.
 

La Guadeloupe renoue avec la mer

La Route du Rhum a été et demeure pour la Guadeloupe en dehors d’une grande fête populaire, le vecteur de la reconquête de la mer. De gauche à droite, les skippers Francis Joyon, Lionel Lemonchois et Loïck Peyron en grande discussion lors de la présentation des skippers. (Crédit photos David Raynal)
Le sel du Rhum, c’est aussi d’avoir su mélanger des individualités aux trajectoires diverses.

D’un côté des marins professionnels, Francis Joyon, Sidney Gavignet, François Gabart, Marc Guillemot, Louis Burton, Tanguy de Lamotte, Loïck Peyron – nouveau vainqueur de la course - avec leur cortège de sponsors et d’innovations techniques, de l’autre, des amateurs éclairés, Jean-Paul Froc, Patrick Morvan, Valentin Lemarchand, qui s’élancent pour réaliser leur projet fou en solitaire sur la même ligne de départ. Avec pour tous, l’ambition d’arriver entier et pourquoi pas en tête de leur classe dans la chaleur moite de Pointe-à-Pitre. « La Guadeloupe était historiquement un peu fâchée avec la mer, Il y a plusieurs siècles nous y étions venus fers aux pieds dans la cale des bateaux. La mer était pour nous un espace de souffrance, de labeur et non de plaisir. La Route du Rhum-Destination Guadeloupe a été et demeure pour nous en dehors d’une grande fête populaire, le vecteur de notre reconquête de la mer » rappelle Victorin Lurel, député et président du conseil régional de la Guadeloupe.
 

L’ère de la course numérique

Aujourd’hui, les bateaux sont pensés et construits dans la perspective de cette épreuve. La transat à destination de la Guadeloupe devient, à chaque nouvelle édition, le témoin des avancées technologiques et architecturales de la course au large (Crédit photos D.R., Pierrick Contin )
L’intelligence du Rhum, c’est enfin d’avoir su accompagner les évolutions technologiques du monde de la voile aussi bien en direction des marins que du grand public.

Aujourd’hui, les bateaux sont pensés et construits dans la perspective de cette épreuve. La transat à destination de la Guadeloupe devient, à chaque nouvelle édition, le témoin des avancées technologiques et architecturales de la course au large. Aux caméras embarquées à bord de presque tous les bateaux répondent, les applications mobile pour suivre toute l’actualité de la course, un jeu web et mobile pour affronter virtuellement les skippers engagés dans la compétition, des images en 3D retransmises quotidiennement pour abreuver les médias. En remportant lundi 10 novembre en seulement 07 jours 15 heures 8 minutes et 32 secondes  la dixième édition de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe, Loïck Peyron bât le précédent record de Lionel Lemonchois de deux heures, et inscrit après six tentatives infructueuses, son nom au palmarès de la plus belle des transatlantiques. Rendez-vous dans la chaleur moite de Pointe-à-Pitre pour l'arrivée des prochains skippers...
 

Plus d'infos


Lien vers le site officiel : http://www.routedurhum.com

Lien vers  la vidéo du départ de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe :
http://www.dailymotion.com/video/x295mei_le-depart-de-la-route-du-rhum-destination-guadeloupe-vu-du-ciel_sport


 

Le saviez-vous ?

De haut en bas : La Guadeloupe à l'honneur sur le ponton du départ de la Route du Rhum à Saint-Malo ; Photo des femmes engagées dans la course : Miranda Merron en Class40 (Campagne de France), Anne Caseneuve en catégorie Rhum (ANEO), Juliette Petres en Class 40 et Philippa Huton-Square (abandon ndlr) en Class40 (Swish). (Crédit photos David Raynal)
1,8 : c’est en million, le nombre de personnes qui ont foulé les quais de la cité corsaire en 2010. Record à battre !


2,1 : la largeur, en mille, de la ligne de départ mouillée devant la pointe du Grouin.


4 : les femmes engagées dans la course : Miranda Merron en Class40 (Campagne de France), Anne Caseneuve en catégorie Rhum (ANEO), Juliette Petres en Class 40 et Philippa Huton-Square (abandon ndlr) en Class40 (Swish).


4 : les skippers qui fêteront leur anniversaire en mer : l’Espagnol Alex Pella (Class40) le jour du départ le 2 novembre (42 ans),  Jean-Christophe Caso (Class40 Picoty Lac de Vassivière) le 5 novembre (43 ans) , Halvard Mabire (Class40 Campagne 2 France) et Nils Boyer (Classe Rhum) le 18 novembre (58 et 21 ans).


5 : le nombre de classes qui seront au départ à Saint-Malo : Ultime (8 bateaux), Multi50 (11 bateaux), IMOCA (9 bateaux), Class40 (43 bateaux) et Rhum (20 bateaux).


7 : marins en provenance des Antilles : les Guadeloupéens Philippe Fiston (Ville de Sainte-Anne – Guadeloupe – Class40), Rodolphe Sépho (Voiles 44 AAEA CAVA – Class40), Nicolas Thomas (Guadeloupe Grand Large – 1001 Piles Batteries-  Class40) Willy Bissainte (Tradysion Gwadloup – Class40) et Luc Coquelin sur Guadeloupe Dynamique en Classe Rhum. Mais aussi, Dominique Rivard (Marie-Galante – Class40) et Daniel Ecalard sur Défi Martinique (Classe Rhum).


10 : c’est le nombre de nationalités différentes qui composent la flotte : France, Espagne, Etats-Unis, Belgique, Suisse, Royaume-Uni, Italie, Portugal, Finlande et Afrique du Sud  


 

De haut en bas : 1/Derniers préparatifs avant le départ de la Route du Rhum sur l'un des pontons de Saint-Malo ; 2/ Le skipper Benjamin Hardouin en pleine dedicace ;_3/ Presentation des skippers de la classe Ultime à Saint-Malo (Bretagne) (Crédit photos David Raynal)
12 : les Malouins qui mettront le cap sur Pointe-à-Pitre : Bob Escoffier sur Linedit’h 60 (Rhum), Valentin Le Marchand sur Maison Tirel Guerin (Class40), Loïc Fequet sur Maître Jacques (Multi50), Gilles Lamiré sur Rennes Métropole-Saint-Malo Agglomération (Multi50), Benjamin Hardouin sur Krit’R V (Rhum), Pierre Brasseur sur Matouba (Class40), Maxime Sorel sur MS-Sailingteam (Class40), Thibaut Vauchel-Camus sur Solidaires en Peloton (Class40), Nils Boyer sur Let’s Go(Rhum), Louis Burton sur Bureau Vallée (IMOCA), Paul Hignard sur Bruneau (Class40) et Jean-Paul Froc sur Groupe Berto (Rhum).




17 : ils sont 17 skippers à avoir bouclé un ou plusieurs tours du monde en course : Vendée Globe, Volvo Ocean Race, Trophée Jules Verne, Global Challenge, record en solitaire ou en équipage. De François Gabart (Macif), à Alessandro di Benedetto (Team Plastique – AFM TELETHON - tour du monde sur un mini 6,50 m), en passant par Thomas Coville (Sodebo Ultim’) ou l’Anglais Conrad Humphreys (Catphones – Built for it), ces marins affichent une expérience bien trempée du grand large.




19 : l'âge du plus jeune skipper de l'épreuve et de toute l’Histoire de La Route du Rhum : Paul Hignard sur le Class40 Bruneau. 




40 : mètres  et 804m2 de toile pour le plus grand bateau de la flotte de la 10e édition de la Route du Rhum - Destination Guadeloupe, le Maxi Spindrift 2 de Yann Guichard.




75 : l’âge du doyen de la course en la personne de Sir Robin Knox Johnston, premier homme à avoir bouclé un tour du monde en solitaire sans escale en 1969.




91 : le nombre d’inscrits à la 10e édition de la Route du Rhum - Destination Guadeloupe. Un record !




3 542 : milles nautiques soit 6 560 km à parcourir entre Saint-Malo et Pointe-à-Pitre en Guadeloupe.

 

Vue du ponton, parmi les nombreux concurrents, le kriter V de Benjamin Hardouin, l'ex-bateau de Michel Malinovsky qui avait été coiffé au poteau par 98 secondes d'écart lors de la première édition de la Route du Rhum en 1978 par le petit trimaran jaune de Mike Bich. (Crédit photo David Raynal)


06/11/2014
David Raynal




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