Reportage

Au pays de Don Quijote de La Mancha

Ne vous attendez pas à voir surgir une armada de moulins à vent rappelant les exploits du fier hidalgo de Cervantes. Ils se font rares aujourd’hui mais la légendaire Mancha vous réserve quelques atouts majeurs à quelques encablures de la capitale, de Tolède à Cuenca.

Par Catherine Gary



Cuenca, nid d’aigle sur un rocher, une ville classée au Patrimoine Mondial. © O.T. Espagne

Madrid fête en fanfare le quatrième centenaire de sa Plaza Mayor complètement restaurée. © Catherine Gary
Mise en appétit à Madrid le temps d’une immersion dans l’ambiance espagnole
 

Cette année la capitale fête en fanfare le quatrième centenaire de sa Plaza Mayor avec une foule de manifestations sur la place et dans les rues.

Certaines ont déjà commencé : performances d’artistes, théâtre et Zarzuela, flamenco, concerts, cinéma… D’autres vont suivre. Madrid est une ville plus festive qu’il n’y paraît et c’est pour ses surprises qu’on l’aime. Parfois la météo elle aussi vous joue des tours. On attend un soleil de plomb et c’est la neige qui tombe sur les fleurs comme récemment. Ici, un joyeux art de vivre se décline toute l’année, en particulier en soirée dans les quartiers emblématiques de la Movida, l’euphorie créatrice et festive incarnée par les films d’Almodovar après la mort de Franco. En fin de journée les bars, les pubs et les tavernes font vibrer Madrid la tonique jusque sur les trottoirs quand il n’y a plus de place à l’intérieur. Autour d’un verre, de quelques tacos, de mini-sandwichs à la charcuterie ou au fromage. Pinchos de tortillas, pan con tomate, patatas bravas nappées de sauce au paprika, le tout dans une ambiance décontractée. Chaque lieu a son style et son esprit. Comme cette Cervezeria los Gatos où l’on savoure une bière dans un décor de danse macabre et qui n’a de macabre que le nom, tandis qu’au sous-sol une Maja desnuda façon Goya arbore ses appâts… A las dos de la tarde, heure habituelle ici pour l’almuerzo, un conseil : faites un tour au Retiro, le plus beau parc de Madrid pour vous mettre en appétit avant de pousser la porte du nouveau restaurant Le Pabellon du Florida. Une belle adresse locale avec vue sur le jardin emblématique de la capitale.

Les vitraux de la Cathédrale. A Cuenca la mosquée édifiée durant la période arabe s’est muée en cathédrale gothique à la Reconquête, en 1177.© Catherine Gary

Cathédrale de Cuenca .© Catherine Gary
Retour sur le passé à Cuenca, nid d’aigle sur un rocher
 
On vient dans cette ville classée au Patrimoine mondial et à deux heures en voiture de Madrid pour un peu d’histoire, beaucoup de paysage et un beau musée d’art abstrait.

Côté patrimoine la mosquée édifiée durant la période arabe s’est muée en cathédrale gothique à la Reconquête, en 1177. Une transformation fragile pour ce bâtiment perché sur un promontoire. La preuve, sa façade reconstruite trois fois, la dernière restant inachevée par manque de fonds mais émouvante avec le ciel qui passe à travers. A l’intérieur les couleurs projetées par les vitraux contemporains jouent sur les colonnes immaculées. On les doit au maître-verrier français Henri Déchanet. Il faut grimper et grimper encore à travers les ruelles pour mériter la vue plongeante sur la ville et ses maisons perchées sur la falaise. Avec en contrebas le couvent et son cloître devenus Parador où il faut venir dîner ou profiter du site ne serait-ce que pour un café.

A Cuenca Il faut grimper et grimper encore à travers les ruelles pour mériter la vue plongeante sur la ville et ses maisons perchées sur la falaise.© Catherine Gary

Les traditionnelles processions de la Semaine Sainte à Cuenca se perpétuent depuis le XVIIè siècle© OT Cuenca
Traditions religieuses et modernité forgent une identité
 
Dans l’une de ces maisons suspendues qui se jouent de la pesanteur et défient le ravin, la fondation Juan March et son musée d’Art Abstrait Espagnol sont installés.

Un labyrinthe de salles avec vues plongeantes en contrebas expose la collection permanente de l’artiste en compagne de Torner, Saura, Rueda,, Tapiès, Chillida… que des grands de la peinture contemporaine. Et puis, dans l’ancienne Casa Zavala, on retrouve à la Fondation Antonio Saura, ce peintre très attaché à Cuenca et frère du grand cinéaste Carlos Saura. Il a fait don de ses œuvres à la ville à sa mort en 1998. Quant aux traditionnelles processions de la Semaine Sainte à Cuenca elles se perpétuent depuis le XVIIè siècle et sont connues à l’international pour la piété des fidèles et la beauté des sculptures processionnelles. La ferveur est à son comble le Vendredi Saint et le dimanche de la Résurrection quand les trente-deux confréries passent de rues en rues dans une effervescence de prières et de fête.

A Tolède trois religions monothéistes y ont cohabiter en bonne intelligence © Lindigomag/Pixabay

Au sommet, l’Alcazar avec ses hauts murs fortifiés et, dévalant jusqu’au Tage, dans la ville la Cathédrale et la Mosquée....© Lindigomag/Pixabay
Quand la tolérance de Tolède rayonnait sur la Mancha
 
Il faut la voir cette fière espagnole depuis la route en contrebas ; Dressée face au ciel, trois religions monothéistes y ont cohabiter en bonne intelligence, ce qui donne à réfléchir.

Au sommet, l’Alcazar avec ses hauts murs fortifiés et, dévalant jusqu’au Tage, le lacis serré des ruelles d’où émergent coupoles, tours et clochers. Plus secrets, les cloîtres et les patios, véritables cœur et poumons de la cité, se découvrent au fur et à mesure de la balade. Tolède est un pèlerinage enchanté aux sources de l’histoire espagnole avec 104 monuments et 40 km d’aqueduc apportant jadis de l’eau vitale. Le tout classé au Patrimoine mondial. On y remonte jusqu’à l’an 1000 en passant de colline en colline sans même s’en apercevoir. A Tolède on marche, on cherche son chemin, on va au hasard aussi pour découvrir les merveilles qui s’y cachent.  

Le riche monastère gothique de San Juan de los Reyes © Catherine Gary

 

la Mezquita du Christo de la Luz, la plus jolie, toute simple avec ses arcs cintrés et son plan carré; Intérieur de la Mezquita devenue église chrétienne © Catherine Gary
Musulman, juif et chrétien, un patrimoine tricéphale
 
On finit toujours par rejoindre la cathédrale et ses 750 vitraux illuminant les hautes travées gothiques. Dans la sacristie, Rubens, Zurbaran, Van Dick, Goya se côtoient et bien sûr Le Gréco que l’on verra mieux plus tard.

Dans une chapelle à l’écart, l’ostensoir de 160 kg, dont un dixième en or massif, fut réalisé dit-on avec le premier or importé du Nouveau monde. Le riche monastère gothique de San Juan de los Reyes devait  servir de mausolée aux Rois catholiques  mais le destin s’en est mêlé : après la prise de Grenade en 1492 Isabel et Ferdinand en décident autrement et reposent dans la ville de leurs exploits. Des musulmans il reste l’ambiance arabo-andalouse des petites mosquées dont la Mezquita du Christo de la Luz, la plus jolie, toute simple avec ses arcs cintrés et son plan carré. Plus tard on y ajoutera un chœur et un Christ en croix…On se sentirait presque en Andalousie à l’ombre des patios qui gardent leur fraicheur en été parmi les plantes grimpantes. Le quartier juif est facilement repérable sur des signes de la chaussée. La Sinagoga du XIIè siècle dite de Santa Maria, toute de blanc et d’or est devenue elle aussi une église et refuge pour les femmes repenties après que les Juifs aient été chassés. Aujourd’hui musée comme la Sinagoga del Transito dont les dentelles de stuc et les frises de textes hébreux ont été conservés…

A l’église de Santo Tomé le tableau " L’Enterrement du comte d'Orgaz " de Greco, un chef d’œuvre qui attire chaque année plus d’1 million de visiteurs…© Catherine Gary

De gauche à droite : Le partage de la tunique du Christ Le Gréco - Sacristie de la cathédrale de Tolède - ;Saint Pierre peint par Le Greco © Catherine Gary
Le Gréco emblème de Tolède la grande
 
De son vrai nom Domenicos Thetocopoulos, c’est à Tolède qu’on attribue ce surnom de Gréco à ce peintre venu d’ailleurs, déroutant par son langage pictural.

Il restera longtemps méconnu même si c’est à Tolède qu’il peint 30 ans et jusqu’à sa mort ses plus grands chefs d’œuvre. Le fait est qu’après son apprentissage en Italie et la découverte des génies de la Renaissance, Raphaël, Michel Ange, Titien… peu de chance lui est laissée de trouver des mécènes pour son travail. Un caractère fort ce Gréco, on le sent dans l’audace de ses corps étirés à l’extrême, dignes et quasi mystiques de gravité, rappelant la tradition gréco-byzantine. Sans compter ce maniérisme qui s’exprime dans les mains en particulier. A Tolède il espère des commandes de Philippe II pour son Escurial en chantier. Il y réalisera quelques œuvres mais surtout de nombreuses autres pour les églises de la ville. Un musée inauguré en 1911 donne une idée de sa vie quotidienne et garde plusieurs portraits de notables et d’apôtres ainsi qu’une étonnante Vue de Tolède. Mais l’incontournable se trouve à l’église de Santo Tomé.     L’Enterrement du comte d'Orgaz, représente le ravissement de l’âme de ce noble du XIVè siècle entouré de personnages contemporains et des saints Etienne et Augustin. Au plan supérieur, le Vierge et Jean Baptiste la guident vers le Christ dans un ciel peuplé d’anges…Le chef d’œuvre attire chaque année plus d’1 million de visiteurs…
 

Vue d'hôtel à Cuenca © Catherine Gary

Vue d'en haut sur Madrid © O.T. Espagne; Maja nue au Bar Los Gatos; Los Gatos pour son décor et ses tapas. © Catherine Gary
Plus d'infos

Office espagnol du tourisme
22, rue Saint-Augustin 75002 Paris

Y aller :
Air France opère jusqu'à 6 fréquences quotidiennes au départ de son hub de Charles de Gaulle à destination de Madrid-Adolfo Suarez

A Madrid

Hôtel NH Nacional****.
Elégance design et emplacement idéal près des trois plus grands musées.

www.nh-hoteles.es/hotel/nh-madrid-nacional

Centenaire de la Plaza Mayor :
www.esmadrid.com/fr/agenda/ive-centenaire-plaza-mayor-madrid

Restaurants et Bars à tapas :


El Pabellon.
Délicieux et au cœur du parc du Retiro

www.floridaretiro.com
Viva Madrid
Sympathique taverne pour passer en soirée

www.restaurantevivamadrid.com
Los Gatos pour son décor et ses tapas.
Tél. :91 429 30 67

 

En haut de gauche à droite : La ville perchée de Cuenca ; Posada Madrid ; Chillida au Musée d'Art Abstrait Espagnol. En bas de gauche à droite : On se repère la nuit dans le quartier juif; Restaurant Hacienda del Cardenal ; © Catherine Gary
A Cuenca


Posada de San José.
Typiquement espagnole dans une vieille maison perchée avec vue sur le couvent devenu Parador

www.posadasanjose.com
Musée d’Arts abstraits espagnols :
www.spainisculture.com/fr/museos/cuenca/museo_de_arte_abstracto_espanol.html
Semaine sainte :
http://www.juntacofradiascuenca.es



A Tolède :


Hôtel Pintor el Greco.
Chaleureux et restauré avec soin au cœur du quartier juif.

www.hotelpintorelgreco.com
Restaurant Palencia de Lara Asador
www.asadorpalenciadelara.es
Restaurant Hacienda del Cardenal.
Bâtiment de patrimoine et service de belle qualité à l’entrée (ou sortie) de la vieille ville.

www.haciendadelcardenal.com
 
 
 
 
 
 
 

 


20/04/2017
Catherine Gary




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