Reportage

Canada : Nouveau Brunswick, couleurs d'Acadie !

Pays sans frontières, l’Acadie s’étend sur les quatre provinces maritimes du Canada Atlantique. Originaires du Poitou de Normandie mais aussi de Bretagne, les Acadiens francophones possèdent des ramifications bien vivantes au Québec, en France, et bien sûr en Louisiane. Après des siècles de résistance face à la domination anglaise, l’Acadie relève définitivement la tête et célèbre cette année à Caraquet au Nouveau Brunswick le retour au bercail de ses enfants, au son des gigues et des reels…

Par David Raynal



Edith Butler, la grande prêtresse de la chanson acadienne (crédit photo : Christine Meyer)
Au 18e siècle, la cession de l’Acadie à l’Angleterre s’est traduite par un véritable traumatisme collectif. De 1755 à 1763, l’épisode du « Grand Dérangement » aboutit à la déportation par les Anglais de plus de la moitié de la population, vers les colonies américaines, l’Angleterre et la France. Les Acadiens qui refusent de prêter allégeance à la Couronne britannique sont dépossédés de tous leurs biens et regroupés sur les vallons fertiles de Grand-Pré en Nouvelle-Ecosse. Ils atterrissent en Louisiane où ils forment la communauté Cajun, mais aussi à Belle-Ile en Bretagne ou encore aux Iles Falklands (Malouines) sous la conduite de Bougainville. Transportés à fond de cale dans des conditions horribles plus de la moitié d’entre eux périssent. « C’est vrai que depuis tout ce temps la France ne nous a pas beaucoup aidé, excepté les festivals, comme l’Interceltique de Lorient dont l’invité d’honneur est justement en août 2012 l’Acadie » soupire Edith Butler, la grande prêtresse de la chanson acadienne.


Le Nouveau-Brunswick est une province du Canada officiellement bilingue (crédit photo : David Raynal). La statue d'Evangéline à Grand-Pré en Nouvelle-Ecosse (crédit photo : CMA).
De cette période de grande misère subsiste le mythe littéraire d’Evangéline dont la statue s ‘élève sur le site historique de Grand-Pré.  Popularisé en 1847 par le poète et écrivain américain Henry Wadsworth Longfellow ce récit romantique retrace l’aventure fictive mais tristement commune d’un couple séparé par la déportation. Après des années de vaines recherches, Evangéline retrouve enfin la trace de son bien-aimé Gabriel. Gravement malade, il s’éteint dans ses bras scellant ainsi le destin de tous les Acadiens expatriés. Proscrits, dispersés aux quatre vents ou condamnés à vivre clandestinement, les Acadiens gardèrent le silence pendant de longues années. Timidement d'abord, puis de plus en plus ouvertement ensuite, ils se refirent un pays avec l’aide active des Indiens Micmac sur les décombres de l'ancienne Acadie. Leurs terres d'origine ne leur appartenaient plus, mais ils se sont répandus dans les régions laissées de côté par les nouveaux occupants. En bons « défricheurs d’eau », ils ont asséchés les marais infestés d’insectes. Peu à peu, ils ont recréé une Acadie vivante, dont les meilleurs représentants actuels s’appellent Antonine Maillet, prix Goncourt 1979 pour le roman Pélagie-la-Charrette, Léonard Forest pour le cinéma, Natasha St Pier, Roch Voisine, Dominique Dupuis, Marie-Jo Thério pour la musique, ou Louis Robichaud pour la politique.
 




Bénédiction des bateaux à Caraquet (crédit photo : David Raynal).
Bénédiction des bateaux à Caraquet  
Située dans la province maritime et officiellement bilingue du Nouveau-Brunswick, la péninsule des irréductibles Acadiens de Caraquet raconte à sa manière une parcelle de cette histoire. En ce dimanche du mois d’août, les marins de ce gros port de pêche du Nouveau-Brunswick sur la côte sud de la baie des Chaleurs, se préparent pour la traditionnelle bénédiction des bateaux. Profondément catholiques, les habitants perpétuent une tradition qui serait héritée de leurs ancêtres poitevins et bretons. Chaque été, en ouverture du Festival acadien de Caraquet qui fête cette année ses cinquante ans d’existence, le curé de la paroisse célèbre une messe en l’honneur de la Vierge Marie, patronne des pêcheurs. Dans une atmosphère de recueillement, il prie pour les marins morts en mer et procède à la bénédiction de tous les chalutiers pavoisés aux couleurs de l’Acadie. Ici comme ailleurs, l’attachement au culte marial revêt une importance toute particulière. La mère du Christ n’a pas seulement donné aux Acadiens un hymne et une fête nationale. C’est aussi son étoile la « Stella Maria » qui illumine le cœur et brille sur le drapeau tricolore de ce peuple apatride. A l’issue de la messe en plein air, la manifestation prend soudainement un tour plus festif. A grand renfort de caisses de bières, les patrons pêcheurs invitent les amis et les touristes à monter à bord pour une petite balade en mer.
 



Le village historique acadien de Caraquet offre aux visiteurs un voyage dans le temps (crédit photo : David Raynal/D.R.)
Village historique acadien  
 A quelques kilomètres de Caraquet, le village historique acadien se dresse fièrement au milieu d’une campagne paisible et verdoyante. Crée il y a tout juste 30 ans le long de la Rivière-du-Nord ses fondateurs se sont donné pour mission de reconstituer le plus fidèlement possible la vie des Acadiens de 1770 à 1939. Pour cela, ils ont démonté plus de quarante édifices en bois de l’époque, église, école, forge, magasins généraux et les ont reconstruits pièces par pièces sur le site. Au fil d’un parcours de plus de trois heures, des animateurs en costume d’époque font revivre les coutumes et les gestes ancestraux. Certains poussent même le mimétisme jusqu’à connaître l’histoire et les petites manies de ceux qui ont véritablement vécu dans ces lieux.

 

 

Le chanteur cajun Zachary Richard (crédit photo : Novopress Québec)
Deux millions d’Acadiens et d’Acadiennes  
 A force de courage et de persévérance, les Acadiens qui étaient à peine 15000 au moment de la déportation sont désormais 2 millions dans le monde et plus de 300 000 dans les seules provinces maritimes du Canada Atlantique. Le chemin de la reconnaissance identitaire est encore long et parsemé d’embûches, mais de nombreuses personnalités succombent peu à peu aux sirènes de « l’acadianité ». C’est le cas notamment d’Elisabeth II,  reine d’Angleterre et du Canada qui contre toute attente a décrété en 2005 que le 28 juillet serait désormais la « Journée de commémoration du Grand Dérangement ». Dans sa royale déclaration dont un exemplaire est visible au Musée acadien du Québec de Bonaventure, la reine s’empresse de préciser que la présente proclamation « ne constitue en aucune façon une quelconque reconnaissance de responsabilité juridique ou financière de la part de la Couronne, du Chef du Canada et des provinces ».
Les premiers arrivants l’avaient surnommée Arcadie du nom d’une province féconde de la Grèce antique. Les Indiens Micmac parlaient d’Algatig pour signifier le lieu du campement. Quant aux Acadiens qui ont échappé à la disparition annoncée, ils sont à l’image de l’une de leur chanson « Réveille ». Portée sur toutes les lèvres par Zachary Richard son antienne résonne comme un cri de combat : « Mon grand, grand grand grand-père, est venu de la Bretagne, le sang de ma famille a mouillé l’Acadie. Réveille, réveille, hommes acadiens pour sauver le village,  pour sauver l’héritage… »

D.R.






 

Le groupe de musique acadien Bois Joli (crédit photo : Chris Smith)
Pour visiter le Nouveau Brunswick : http://www.tourismenouveaubrunswick.ca
 
Site du Festival acadien de Caraquet : http://festivalacadien.ca

A ne pas manquer la visite du Village historique acadien :
http://www.villagehistoriqueacadien.com
 
Partez du 3 au 12 août 2012 à la rencontre de l’Acadie au Festival Interceltique de Lorient : http://www.festival-interceltique.com   
 
 

Bénédiction des bateaux à Caraquet (crédit photo : David Raynal)


26/03/2012
David Raynal




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