Culture

Entre peintres d’hier et artistes d’aujourd’hui la palette est vaste en ce printemps !

De Roubaix à Paris avec un détour dans la Vallée de l'Oise, de nombreuses expositions vous offrent le plaisir de découvrir ou redécouvrir des peintres, artistes, connus et moins connus ainsi que leur oeuvre.

Par Catherine Gary



Johan Creten The Flamingo 1 © Creten Studio et Gerrit Schreurs

Johan Creten, Bestiarium

Johan Creten La Mouche morte© Creten Studio et Gerrit Schreur
Sa créativité dans le domaine de la céramique fait de Johan Creten l’un des précurseurs du grand renouveau de cet art et à ce titre lui vaut d’être reconnu à l’international dans nombre de musées et d’expositions qui participent à la reconnaissance de l’art de la terre et du feu.

Flamand d’origine né en 1963, cet artiste à la personnalité communicative voire humoristique a choisi de vivre à Paris. Mais il a l’esprit nomade aussi, en se défendant de travailler toujours dans le même atelier, il préfère travailler un peu en nomade, ici et là dans les pays qui l’inspirent ; le Mexique, Rome, Miami, La Haye… Le choix de son médium il l’assume depuis les années 1980 avec passion et conviction malgré l’indifférence voire le dédain affiché par ceux qui édictent les critères et les valeurs de l’art. Car il s’agit ici de véritables de sculptures en céramique, parfois aussi en bronze, chaque œuvre étant unique.  

 L’exposition à La Piscine se décline en trois temps.

D’abord, “C’est dans ma nature“ conçu en 2000. Dix panneaux mobiles couverts de briquettes factices accueillent ses petits bas-reliefs en céramique qui ont dialogué précédemment avec les élèves du collège d’Aulnay-sous-Bois. Vient ensuite “Bestiarum“ un ensemble de 17 sculptures animalières en céramique émaillée dont les glaçures aux couleurs irisées attirent l’attention par leur singularité. Une mouche géante endormie dans une position féminine suscite l’interrogation de même qu’un pélican figé dans sa tristesse ou un mouton rappelant la défunte vocation lainière de Roubaix… Loin du naturalisme, le bestiaire de Johan Creten crée une ambiance, un univers où le symbole émerge de même qu’une représentation sous-jacente d’un monde, le nôtre, non dénué d’inquiétude, de mélancolie mais aussi de vie. Troisième acte, “De Vleermuis“, 2019, une chauve-souris géante à l’entrée du musée vous invite à gravir un escalier qui permet de se placer entre ses ailes déployées…
 





Johan Creten, Bestiarium


A Roubaix La Piscine.


 
Jusqu’au 29 mai 2022



Catalogue 225 pages aux Editions Gallimard.
Prix : 35 euros




www.roubaix-lapiscine.com
Vidéo exposition @ Musée La Piscine

Le Décor impressionniste. Aux sources des Nymphéas

Renoir - Les Grandes Baigneuses. @ Philadelphia Museum of Art
Beauté décorative, art mural… ces qualificatifs élogieux mettront du temps à s’imposer face aux œuvres assez académiques préexistantes considérées comme secondaires aux yeux des censeurs.

Et en effet, si dans les décennies précédentes des peintres comme Puvis de Chavannes œuvrent pour des commandes officielles, mairies, gares, lieux publics, le statut de leurs interventions n’atteint pas la reconnaissance attribuée au grand art. Les Impressionnistes vont faire bouger les frontières entre tableau de chevalet et peinture décorative dans la liberté de leurs supports, de leurs sujets et de leurs déclarations d’intention. Comme ces mots du peintre André Masson à l’intention de des Nymphéas de Claude Monet qu’il nomme la “chapelle Sixtine de l’Impressionnisme“, relayant Monet lui-même qui parle de “grandes décorations“ pour ses 90 mètres d’immersion dans la couleur exécutés sur des murs. Degas affirme sans hésiter “le rêve de toute ma vie était de peindre sur des murs“ tandis que Renoir aurait aimé “transformer des murs entiers en Olympe“. Et il est vrai qu’ils ne vont pas se priver de ce langage décoratif comme le montre l’exposition de l’Orangerie dans une sélection d’œuvres ornementales des plus grands peintres impressionnistes. Car désormais, ils décorent aussi espaces privés et même objets de toutes sortes comme on le découvre dans la succession des salles.  Avec en apothéose finale les Nymphéas de Monet, présents à l’Orangerie depuis près d’un siècle. On découvre à cette occasion la profusion de supports et de scènes de la vie quotidienne, de décors floraux, de joyeux paysages. L’intention étant toujours, selon les mots de Renoir, de “mettre un peu de gaieté sur un mur“. Que ce soit Cézanne décorant le salon de la maison familiale, Berthe Morisot, Pissarro, Renoir, Monet, Caillebotte, Manet, tous ou presque ont exercé leur art sur des supports non conventionnels qui enrichissent notre regard sur l’Impressionnisme.


 
 











Aux sources des Nymphéas




Musée de l’Orangerie.
Jusqu’au 11 juillet 2022.

Vidéo exposition@Musée de l'Orangerie


Réservation obligatoire

www.musee-orangerie.fr



 

Boris Taslitzky, l’Art en prise avec son temps.

Boris Taslitzky Autoportrait au chevalet 1925 @ Alain Le prince et Boris Taslitzky La Mort de Danielle Casanova @Alain Leprince
 
Né en 1911 ce peintre juif d’origine russe voit sa vie et son œuvre marquée par la guerre et les combats. A commencer enfant par la perte d’un père mort au front en 1915, d’une mère victime de la rafle du Vél d’Hiv et de l’holocauste à Auschwitz.

Membre de l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires il adhère en 1930 au Parti communiste dans la droite ligne des espoirs du Front Populaire et des luttes contre le fascisme. Cela lui vaut d’être incarcéré puis envoyé au camp de Buchenwald dont il se fait le témoin des heures sombres dans nombre de ses toiles et de ses dessins au retour. Avec une œuvre qui ne cessera de dénoncer les grands bouleversements et les souffrances collectives de son époque. Décolonisation de l’Indochine et de l’Algérie et, plus proches, combats sociaux des ouvriers, des mineurs et métallurgistes de l’ère industrielle…
 
Boris Taslitzky suit son chemin pictural très particulier à l’écart des voies entreprises par les peintres abstraits, cubistes ou surréalistes.

Ses modèles se situent du côté des grandes fresques de David, de Courbet mais aussi de Delacroix et de Géricault, avec l’ambition d’être un peintre d’histoire témoin de son temps dans un “réalisme à contenu social“.  Et si la force tragique de certains grands tableaux heurtent par la violence de leur sujet, comme ses corps décharnés témoignant de la libération des camps, jamais il ne se départit d’une luxuriance de la couleur et, comme il le dit alors, de la “beauté de l’horreur“ dans ce “carnaval de la souffrance inouïe“. Comme le fit par exemple Géricault dans Le Radeau de la méduse.

 


Boris Taslitzky,
l’Art en prise avec son temps.




A Roubaix La Piscine.
Jusqu’au 29 mai 2022



Catalogue Editions Anagraphis
300 pages. Prix : 30 euros




www.roubaix-lapiscine.com


Vidéo exposition @Musée La Piscine


 

Gallen-Kallela. Mythes et Nature

Akseli Gallen-KallelaNuit de printemps, 1914 @C.Gary
De son vrai nom Axel Gallen, Akseli Gallen-Kallela, né en 1865 et mort en 1931, est l’un des artistes phares finlandais de son époque avec une œuvre très originale imprégnée des mythes et des légendes d’une nature nordique à laquelle il restera fidèle jusqu’à la fin.


Il se forme d’abord au dessin à la Société des beaux-arts d’Helsinki puis séjourne plusieurs fois à Paris où il suit les cours du peintre Bouguereau avant de voyager aussi à Londres et à Berlin. Mais son ancrage et son inspiration, du naturalisme au symbolisme, seront toujours profondément marqués par sa terre natale.

C’est ainsi que le mythe du Kalevala prend forme sur ses toiles, avec en particulier la Légende d’Aïno dont il fait un triptyque en trois scènes illustrant l’histoire de cette princesse du Nord promise à un vieillard et qui pour échapper à sa poursuite se transforme en nymphe avant de devenir saumon et de fuir dans les eaux.

Gallen-Kallela trouve cette inspiration pendant un voyage avec son épouse Mary dans la nature sauvage de Carélie et le succès de l’œuvre dépassera les frontières.

Ces moments de bonheur seront plus tard endeuillés par la mort de leur fille qui inspirera aussi son œuvre. Artiste solitaire, observateur de la botanique et de la nature qui l’entoure dans sa maison-atelier en rondins de bois, il aime aussi partager ses conceptions et sa vision d’une nature sacrée au langage ésotérique, porteuse d’une dimension mystique liée aux cycles de la vie et de la mort.

L’œuvre de Gallen Kallela transporte au-delà des paysages représentés vers un univers de beauté et de surnaturel transfigurant la simple représentation.

 

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Gallen-Kallela.


Mythes et Nature


Musée Jacquemart-André


 Jusqu’au 25 juillet 2022



Vidéo exposition  @Musée Jacquemart-André


www.musee-jacquemart-andre.com

Exposition Les Jardins secrets de Steinlen. De Montmartre à la vallée de l’Oise @Musée château-Auvers
 

 

Les Jardins secrets de Steinlen. De Montmartre à la vallée de l’Oise

Steinlen. Mauvaises rencontres pour le Journal du Chat Noir. Collection privée
Né à Lausanne le 20 novembre 1859, mort à Paris le 14 décembre 1923 Steinlen s’installe à Paris en 1881 sur la butte Montmartre et y restera fidèle jusqu’à la fin.

Il fait de la butte l’une de ses inspirations majeures, peint ses ruelles et surtout livre une quantité innombrable de dessins, de gravures et d’affiches sur tout ce qui fait le caractère de sa population. A commencer par les chats, dont une vingtaine peuple son atelier, Cat’s Cottage, et qui deviendront vite son emblème à partir du moment où il fréquente le cabaret du Chat noir au cœur de la butte et son propriétaire Rodolphe Salis. C’est là qu’il rencontre Aristide Bruant, les musiciens Claude Debussy et Eric Satie, les peintres Toulouse-Lautrec et Vincent Van Gogh et de nombreux poètes dont Verlaine et Alphonse Allais. Sans oublier les danseuses du Moulin Rouge et la vie nocturne et animée qu’on y mène. L’ambiance est propice à la créativité et à la liberté de pensée. L’affiche du Chat noir (1896) dont le style montre son intérêt pour la gravure japonaise fera vite sa renommée. Steinlen devient vite un illustrateur très apprécié des journaux comme Le Mirliton et un affichiste reconnu pour ses scènes de rue. Chanteurs de rue, petits métiers des blanchisseuses et des ouvriers, vagabonds… avec toujours un regard compatissant et engagé du côté des miséreux, comme Zola l’est à l’époque. Dans ce même esprit il obtient en 1917 un laisser-passer de Clémenceau pour s’approcher des tranchées et croquer les horreurs de la guerre de très près et le quotidien de la guerre à l’arrière, avec les femmes, les réfugiés, les villages désertés… Steinlen fait aussi les portraits ou les caricatures des personnalités de l’époque qui gravitent autour de lui ce qui fait de ses dessins et gravures de presse un témoignage précieux et émouvant de cette fin du XIXe siècle. N’oublions pas aussi son œuvre peint. En particulier les paysages de la Norvège où il voyage en 1901, de la vallée de l’Oise et du village de Jouy-la-Fontaine près des bords de la rivière où il acquiert une maison. Aimant le jardinage il peint et dessine ses fleurs préférées, les anémones, les pivoines, les dahlias dans la sérénité de cette campagne dont héritera sa fille Colette. L'exposition au château d'Auvers-sur-Oise, rend hommage à cet artiste aujourd’hui moins connu dont l’œuvre prolifique mérite la redécouverte dans ce village où Van Gogh a vécu ses derniers mois et où il est enterré près de son frère.

Vue aériene Château d'Auvers/oise et Affiche Exposition Steinlen @ Musée château-auvers







Les Jardins secrets de Steinlen



Château d’Auvers-sur-Oise.



Jusqu’au 18 septembre 2022




www.chateau-auvers.fr


16/04/2022
Catherine Gary




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