Culture

La Folle de Chaillot de Jean Giraudoux : une folie douce.

A la Comédie des Champs-Elysées, dans une mise en scène de Didier Long.

Par Catherine Gary



 Avec Anny Duperey, Dominique Pinon, Catherine Salviat, Romain Apelbaum, Jean-Paul Bordes, Stéphanie Caillol, Jacques de Cande, Franck Capillery, Fabienne Chaudat, Catherine Hosmalin, Mathias Jung, Antoni Klemm, Gaelle Marie, Adrien Melin, Jean-Jacques Moreau, Frédéric Rose, Geoffrey Sauveaux, Martin Schwietzke, Laurent Spielvogel..

Ecrite sous l’occupation, la pièce resta dans les tiroirs jusqu’à la mort de l’auteur. Rarement jouée, contrairement à sa La Guerre de Troie n’aura pas lieu et à Ondine, elle est néanmoins entrée dans la légende grâce aux interprétations magistrales de deux monstres sacrés appartenant désormais au passé : Marguerite Moreno et après elle, Edwige Feuillère.


Le défi est donc de taille pour Didier Long en s’attaquant à ce texte singulièrement prémonitoire sur les débats qui agitent nos contemporains : débordements boursiers, dégradation de l’environnement, priorité donnée aux valeurs matérielles…


Le rideau se lève sur une terrasse de café où des hommes très affairés complotent acquisitions immobilières, investissements juteux, projets d’extraction pétrolière… tandis que, fort mal à propos, un incessant va-et-vient de chiffonnier, jongleur, bouquetière vient empiéter cet espace que ces messieurs sérieux considèrent comme leur. Arrive alors la “folle“, mi-comtesse mi-clocharde, affublée d’oripeaux chatoyants (un peu trop peut-être…) et de bijoux bon marché.

Anny Dupeyrey et Dominique Pinon dans la "Folle de Chaillot" (Photo Lot)
Elle arbore une perruque d’un roux violent, métaphore, on l’imagine, de la fantaisie qui règne dans sa tête. Et voilà qu’en contrepoint de ce monde strictement masculin, la folle entame une dénonciation de l’argent prince de ce monde.

Anny Duperey se coule dans le rôle avec une délectation apparente, plaidant, avec le sourire et l’énergie qu’on lui connaît, la sauvegarde de la nature et la dignité humaine. Sa folie aura raison de ces méchants hommes après avoir rameuté de gentils alliés :  le chiffonnier, la folle de la Concorde et de Saint-Sulpice, deux folles dingues comme elle, et le petit peuple de Paris qui l’a rejointe dans son souterrain.

Dix-neuf comédiens sur scène quand  les deux mondes sont réunis, gesticulent en tous sens et forment une scène baroque frôlant parfois le kitch. On se distrait beaucoup dans cette pièce un peu clinquante qui, malgré le jeu très distrayant des personnages, se donne des airs de comédie (non) musicale plus que de réquisitoire en règle contre les dérives de l’époque de Giraudoux, qui sont aussi devenues les nôtres.

Le texte a pris quelques rides et le manichéisme opposant les méchants hommes d’affaires (qui seront punis) à la fantaisie généreuse des femmes semble parfois un peu naïf. Mais peu importe : on l’accepte, comme un joli conte.




Saluons la beauté des décors de Bernard Fau, en particulier le sous-sol surréaliste tenant à la fois d’un Jules Verne et de l’Underground d Emir Kusturica . Un monde métallique et sombre parfaitement mis en valeur par les éclairages… Saluons aussi la prestation de Dominique Pinon en génial chiffonnier, le jeu poétique de Catherine Salviat et l’exubérance des costumes de Pascale Bordet. Sympathique et raisonneuse, Anny Duperey nous a semblé manquer un peu de folie audacieuse et inquiétante au profit d’une folie plus douce, toute douce.C.G.

La folle de Chaillot de Jean Giraudoux, jusqu'au 26 Mai.
Comédie des Champs-Élysées
Tél. : 01 53 23 99 19.
www.comediedeschampselysees.com

Anny Duperey dans la "Folle de Chaillot" de Jean Giraudoux A la Comédie des Champs-Elysées, dans une mise en scène de Didier Long. (Photo Lot)
 


19/03/2013
Catherine Gary




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