Culture

La rentrée littéraire à Nancy avec « Le Livre sur la Place »

Inscrite au patrimoine mondial de l'Humanité par l’Unesco, la place de la Carrière à Nancy créée la perspective de la célèbre place Stanislas au palais du Gouvernement. Hormis cela, elle est le cadre chaque année au mois de septembre… du plus grand rassemblement littéraire hexagonal sous le patronage de l’Académie Goncourt qui accueille près de 550 auteurs et 180 000 visiteurs. Découverte…


Par Bertrand Munier



Le Livre sur la Place attire des centaines d’auteurs et des milliers de visiteurs. ©Bertrand Munier

L’écrivain cinéaste Philippe Claudel est le président de la 38ème édition du Livre sur la Place. ©Bertrand Munier
Les premières prémices en 1978





Chaque année au mois de septembre, le Livre sur la Place est devenu le premier rendez-vous de la rentrée littéraire en France. Tout d’abord installé sur la place Stanislas, il est transféré ensuite sur la place de la Carrière. Ce nouvel espace improvisé lors de la venue du pape Jean-Paul II seyait parfaitement tant aux organisateurs qu’au public.

L’événement à la fois culturel et populaire a pris naissance en 1978. L’initiative de cette manifestation gigantesque est à mettre au crédit de quelques libraires nancéiens avec à leur tête Roger Mossovic.

Il sera relayé dans son entreprise par la ville de Nancy avec l’association de libraires « Lire à Nancy » et le fidèle soutien de l’Académie Goncourt.

Françoise Rossinot (journaliste de profession) devient commissaire générale de ce salon puis crée (conjointement à cet événement) les Rencontres du Livre sur la Place en 1994 avec Élie Wiesel comme premier invité.

Roger Mossovic : l’âme du Livre sur la Place. ©Bertrand Munier
Roger Mossovic… le père fondateur
 
Dans la longue carrière de Roger Mossovic, l’histoire du Livre sur la Place figure en bonne place (sans jeux de mots). Mais auparavant il y avait eu le parcours personnel de ce fils d’immigré juif polonais né le 25 juillet 1927 à Nancy.

« En effet, commente l’intéressé, mon père de son vrai patronyme Boruch Moszkowicz, a dû au moment de la naturalisation familiale, franciser son nom qui devient Bernard Mossovic, longtemps après son arrivée en France en 1925. Il était tailleur d’habits en Ville-Vieille à Nancy où je vis le jour tout comme ma sœur. Personnellement sur mes premiers papiers d’identité mon prénom était Romek… d’où la traduction en Roger. » Élève à l’école Braconnot puis au lycée Poincaré, Roger Mossovic, aux premiers mois de l’occupation nazie, doit afficher ostensiblement l’étoile jaune imposée à tous les descendants d’origine juive.

En juillet 1942, ses parents furent discrètement prévenus de la terrible rafle nancéienne. La famille trouve alors refuge en Haute-Garonne pour revenir à Nancy à la Libération. Hélas ! L’échoppe parentale avait été pillée et les locaux devenus impraticables. Ses études secondaires achevées, une nouvelle vie l’attendait.

En un premier temps, il est dirigé vers l’Institut dentaire mais assez tôt sa vocation naissait ailleurs. Avant tout, il aimait les livres, palper le papier et se délecter des mots. C’est ainsi qu’il entre comme apprenti stagiaire à la librairie de René Didier (un professionnel autodidacte) puis à celle de Victor Berger, vénérable institution de papeterie et livres scolaires au cœur de la ville. Prolongeant son champ d’action, il tente Paris à la librairie Flammarion, en vogue sur les grands boulevards. Payé une misère à la « guelte » (commission), il préfère revenir auprès des siens. Bien que sollicité par son beau-père pour l’épauler dans une entreprise florissante de bonneterie, il préfère franchir le Rubicon et prendre le risque de s’installer à son propre compte.

Le 2 juin 1951 il ouvre boutique rue Héré à l’enseigne La Librairie des Arts, laquelle se double d’une galerie d’art. Invité à la table des libraires nancéiens, il bouleverse les usages commerciaux d’alors. L’entrée libre et l’ouverture le dimanche matin n’étaient pas la norme. Propriétaire exploitant, ce rythme de vie perdure jusqu’en 1987. Sur ces entrefaites, il y aura la fabuleuse épopée du Livre sur la Place.

L’écrivain-artiste bourguignon Henri Vincenot : le premier invité « vedette » de l'évènement littéraire "Le Livre sur la Place " © pêche-mouche.com
L’écrivain-artiste bourguignon Henri Vincenot : le premier invité « vedette »
 

Les premiers stands étaient implantés sous l’Arc de Triomphe reliant les deux plus illustres places nancéiennes. « Il fallut un grand courage aux libraires locaux pour oser sortir les ouvrages de leurs magasins, rapporte-t-il. Cette implantation était organisée dans des conditions rudimentaires mais dans un esprit professionnel avec évidemment la présence quasi insolite d’auteurs. Ce qui rehaussait la finalité du projet. Pour cette époque, c’était vraiment une innovation ! De manière exemplaire, l’écrivain-artiste bourguignon Henri Vincenot nous avait honorés de sa présence. » 

Roger Mossovic et ses amis de la profession écarquillaient grands leurs yeux devant le spectacle inédit de badauds, interloqués de livres exposés en plein air sur des tréteaux. « Nous voulions aller à la rencontre d’un public qui ne s’intéressait pas forcément à la lecture ou qui n’osait pas franchir le seuil de nos librairies, renchérit-il. Facteur décisif, l’assiduité ensuite de membres de l’Académie Goncourt a donné une saveur et une ampleur toute particulière à notre initiative. »

Encouragé par Claude Coulais*, alors premier magistrat puis par ses successeurs André Rossinot et Laurent Hénart, cet espace littéraire deviendra grâce à Françoise Rossinot (profondément investie dans cette aventure littéraire), le carrefour incontournable hexagonal de la galaxie Gutenberg, celle de l’écrit… celle du livre ! Les éditeurs locaux et régionaux côtoieront progressivement les sociétés d’éditions nationales dans le but de célébrer et de faire partager la magie des mots. 

Un tel résultat ne pouvait que réjouir Roger Mossovic, l’ardent précurseur de cette grande fête annuelle du livre, qui sera par ailleurs le président de l’association cercle Garen (groupe d’action et de réflexion sur l’École de Nancy) autre forme d’accès au patrimoine culturel.

De gauche à droite : Fidèle parmi les fidèles… l’écrivain Élise Fischer. ©Bertrand Munier; L’abbé François Weber dédicacera son dernier polar. ©Bertrand Munier ; Richard Bohringer présentera son livre « Dernier round ». ©Bertrand Munier
 Conférences et rencontres pour tous
 
Sous la présidence de l’écrivain cinéaste Philippe Claudel, l’édition 2017 est également placée comme de coutume sous les auspices de l’Académie Concourt avec la présence de Bernard Pivot. Durant ces trois jours littéraires, de multiples conférences et rencontres auront lieu à Nancy intra-muros : hôtel de ville, musée aquarium, opéra national de Lorraine, palais du Gouvernement, préfecture…. en présence notamment de Pierre Assouline, Pascal Bruckner, Clotilde Courau, Virginie Despentes, James Ellroy, David Foenkinos, Éric-Emmanuel Schmitt…


De gauche à droite : La place de la Carrière à Nancy se livre à cette manifestation d’envergure nationale. ©Bertrand Munier ; « La Meurthe-et-Moselle en 200 Questions » de Bertrand Munier
Plus d’Infos :
 

« Le Livre sur la Place »
 

Place de la Carrière à Nancy (Meurthe-et-Moselle)
Vendredi 9, samedi 10 et dimanche 11 septembre 2016
Entrée gratuite ainsi qu’aux différentes conférences
 
Au stand « Hall du Livre »…
retrouver durant ces trois jours

Bertrand Munier en séance de dédicace pour son dernier ouvrage
« La Meurthe-et-Moselle en 200 Questions » aux Éditons Sutton

 


03/09/2016
Bertrand Munier




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