Reportage

Philippe Lacroix… le chef du Lido à Paris tire sa révérence !

Il n’a pas un âge canonique mais le gong final vient de retentir pour le célèbre chef vosgien du palace le Lido à Paris. Focus sur un chef talentueux et d’une rare disponibilité…

Par Bertrand Munier



Durant 40 ans, le chef vosgien Philippe Lacroix a su s’entourer des plus belles filles du monde. ©Dîners Insolites du Patrimoine

Le chef du Lido Philippe Lacroix aux côtés de Nathalie Bellon-Szabo. ©Bertrand Munier; Les jeunes années de restauration pour Philippe Lacroix © DR
L’abécédaire du métier au lycée hôtelier de Contrexéville

L’espace Étoile Saint-Honoré à Paris fourmillait d’anonymes et de célébrités le lundi 5 septembre 2016 pour remercier le chef du Lido… Philippe Lacroix.  

Vosgien bon teint, fier de ses racines natales de Xertigny, Philippe Lacroix a rendu sa toque et son tablier aux armes de l’illustre palace des Champs-Élysées situé sur la plus belle avenue du monde à Paris. Épris de son travail, connu et reconnu par ses pairs, d’une probité sans nulle autre pareille envers ses collègues et ses amis fidèles, ce membre de l’Académie culinaire de France, de l’Académie nationale de cuisine et disciple d'Escoffier, ne laisse que des regrets. Près de 200 personnes se sont retrouvées autour de Christian et Chantal Clérico (parents des fondateurs du Lido) venus spécialement de Bruxelles en Belgique ainsi que de Nathalie Bellon-Szabo (fille de Pierre Bellon créateur du groupe Sodexo), pour lui témoigner toute leur sympathie et leur reconnaissance. Quasiment jamais une telle personnalité de ce temple des nuits parisiennes n’a reçu autant de marques d’amitiés sincères. Car au-delà de sa fonction prestigieuse mais à responsabilité importante, Philippe Lacroix est demeuré une personne d’une extrême simplicité. Cette personnalité, il la puise dans son terreau familial auprès de ses extraordinaires parents André et Isabelle ainsi qu’aux côtés de ses deux frères Bernard et Alain. Ceux-ci peuvent s’enorgueillir légitimement de son parcours dans les lacis de la gastronomie française qui prit corps à l’âge de 15 ans au lycée hôtelier de Contrexéville dans les Vosges…

Passionné de cuisine sûrement par atavisme envers son papa fin cordon bleu, Philippe Lacroix découvre des restaurants de divers horizons culinaires au sortir de ses années lycéennes en hôtellerie.

« J’ai commencé ma vie professionnelle chez moi dans les Hautes-Vosges à Gérardmer puis à Martimprey, avoue-t-il humblement, sans plan de carrière précis. Le hasard m’a conduit ensuite à Paris pour un stage de six mois dans les cuisines parisiennes du Lido dont l’adresse se trouvait à cette époque  au n°78 avenue des Champs-Élysées. C’était le 1er juillet 1975 et j’avais 19 ans. » Indéniablement, cette date et cet âge sont gravés à jamais en lui comme le sera  son itinéraire de quarante ans dans les coursives du Lido.

La fierté de Philippe Lacroix (à l’extrême gauche) aux côtés de Monsieur Paul (Bocuse) et de Pierre Troisgros. © Philippe Lacroix;) Il en est de même avec Marc Veyrat. © Philippe Lacroix; Philippe Lacroix : directeur et chef des cuisines du Lido. © Bertrand Munier
40 années de fidélité au Lido
 
Chemin faisant, Philippe Lacroix ne ménage ni ses efforts ni ses heures dans un univers où la ponctualité et l’exigence sont de mises.

Demi chef de partie, il accède à la fonction supérieure en 1977 pour le demeurer jusqu’en 1995. « Pour les néophytes, explique-t-il, le chef de partie est un cuisinier qui est spécialisé dans une discipline donnée comme rôtisseur, saucier, poissonnier, pâtissier… Il a une fonction importante au sein d’une brigade. Qui plus est, j’abordais un nouveau virage dans ma carrière professionnelle quand le Lido investit les locaux au n°116 avenue des Champs-Élysées pour être le plus grand et le plus luxueux cabaret d’Europe pour ne pas dire planétaire. » Fort de toutes ces expériences au sein de ce même écrin fastueux, il devient ensuite chef de cuisine (1995), côtoyant avec égal bonheur un ministre, un procureur, un commissaire de police, un chanteur ou un salarié lambda d’une société. Car chez Philippe Lacroix, la frontière sociale n’a pas lieu d’être. Cela se vérifiera encore davantage lors de sa nomination comme directeur et chef des cuisines en 2001. Ce respect de l’autre il le doit encore et toujours à son éducation familiale. Certes toute vie s’inscrit dans les entrelacs de relations surtout au sein d’un établissement comme le Lido mais tous les liens qu’il a tissés durant quatre décennies prennent d’emblée un sens, lié au passé parental.

Philippe Lacroix entourant Christian et Chantal Clérico… les anciens propriétaires du Lido. © Bertrand Munier;Trois des chefs du Lido au fil du temps : Philippe Lacroix, Daniel Filping et Aldo Bonasera. © Bertrand Munier;Marc Lissillour (rédacteur en chef adjoint à TF1) avec Philippe Lacroix. © Bertrand Munier
De la famille Clérico au groupe Sodexo
 
En définitive, il est compréhensible de constater que contre vents et marées, il a toujours été à la barre des cuisines du Lido avec la confiance de ses différents employeurs même quand l’immense paquebot parisien tangua un instant dangereusement, avec en point d’interrogation, l’avenir de quelques 400 salariés. En 2006, avec le retrait de la famille fondatrice Clérico puis l’arrivée du groupe Sodexo (le géant de la restauration collective) et son segment Sports et Loisirs avec à sa tête Nathalie Bellon-Szabo, Philippe Lacroix a toujours su faire preuve d’efficience.  Cette efficacité se traduit quotidiennement par un service allant de 400 à 900 couverts dans le temps limité de 1H30 avec une qualité linéaire

. « Le plus difficile, renchérit-il, quand nous présentons un plat, il faut pouvoir le dupliquer jusqu’à mille sans fausses notes et toujours en ayant cette épée de Damoclès au-dessus de la tête ;  ce créneau horaire qui nous est imparti. En plus, il faut élaborer deux fois par an une carte à la portée de tous nos clients internationaux et de toutes les communautés religieuses… en apportant de la couleur dans l’assiette en raison des lieux tamisés. Le fait de travailler dans un lieu magique comme le Lido nécessite certaines contraintes que ne connaît nullement un chef dans un restaurant traditionnel. Tout ceci s’effectue avec  une brigade d’environ trente-cinq personnes. »

Toutefois, le chef vosgien n’a aucune once de regret d’avoir effectué toute sa carrière au Lido. Le jour du départ, c’est un chapelet de souvenirs qu’il égrène avec toute la faconde qui le caractérise si bien :

« En toute sincérité, tout ne fut pas parfait mais je ne garde que le meilleur de ses quarante années comme cette soirée quand une milliardaire russe avait privatisé la salle de spectacle pour l’anniversaire de son époux autour de 600 personnes avec un décor exceptionnel et des roses par centaines. Un instant unique et totalement délirant. Il n’y a qu’au Lido que l’on peut découvrir cela ! »

Pour Philippe Lacroix, l’amitié n’est pas un vain mot ! © Bertrand Munier
Ce parcours riche en évènements, rencontres et émotions, prend fin le 31 août 2016, loin des puissants scialytiques médiatiques comme le voudrait pourtant sa fonction.



Mais Philippe Lacroix n’a jamais changé de philosophie de vie depuis ses premiers pas vosgiens dans la rue des Cailloux à Xertigny.

Il est resté lui-même avec sa gentillesse permanente, sa simplicité débordante et son regard bienveillant envers les autres… du plus petit au plus haut « gradé ». Christian et Chantal Clérico, leurs fils  Karl et Franck, ainsi que Nathalie Bellon-Szabo (les larmes aux yeux) qui avaient tenu à lui dire un immense « Merci » aux côtés d’un parterre d’amis venus d’horizons différents… peuvent l’attester.

Certaines personnes n’étaient jamais revenues au Lido pour raisons diverses mais pour une énième et dernière fois, Philippe Lacroix a su fédérer autour de son nom et de sa personnalité… tous ceux qui l’ont accompagné avec bonheur durant ses années parisiennes.

Durant son parcours au Lido, Philippe Lacroix a su s’entourer de belles personnes… au sens propre comme au sens figuré. © Bertrand Munier


 « J’ai eu un parcours professionnel fabuleux, conclut-il, totalement lié au Lido et à une gastronomie festive. J’ai travaillé avec des [grands] de la gastronomie française à l’élaboration de nos cartes comme Monsieur Paul (Bocuse), Alain Ducasse ou Michel Roth mais la vie est faite de mille petits plaisirs auprès de tous. »
 

Loin des paillettes, Philippe Lacroix s’est engagé sur une autre voie tout en abjurant de son vocabulaire le mot retraite. À 60 ans, une seconde vie commence…


Bertrand Munier
 

La foule des grands soirs à l’espace Étoile Saint-Honoré à Paris pour fêter le chef Philippe Lacroix. © Bertrand Munier


16/09/2016
Bertrand Munier




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