Théâtre Essaïon - Oncle Vania de Tchekhov - Une adaptation audacieuse et débridée !

L’arrivée au domaine de Sérébriakov, professeur retraité et propriétaire des lieux, accompagné de sa jeune femme Elena, sème le trouble dans l’équilibre instable qui règne parmi ceux qui vivent sur cette propriété. Il se trouve que Sérébriakov n’éprouve aucun intérêt pour ses terres et leurs habitants, leur préférant ses livres dans lesquels il s’isole. Ivan Voïnitski, oncle Vania, a pourtant géré en maître le domaine durant toutes ces années. Aucune reconnaissance du travail accompli. Il a maintenant perdu ses illusions en observant ce beau-frère dont il admirait jadis la culture. L’homme se révèle égoïste et vaniteux. Désabusé, oncle Vania a l’impression d’être passé à côté de sa vie. Mais désormais plus question d’être la victime consentante de ce marché de dupes et sa colère va éclater. En attendant il est attiré par Elena qui s’ennuie à mourir sur le domaine mais éprouve un penchant pour le Dr Astrov, un homme au caractère enjoué. De son côté Sonia,  la fille du professeur Sérébriakov, est également amoureuse du Dr Astrov dont elle attend désespérément un regard en retour… Mais en fait, peu de regards arrivent à se croiser… Il fait chaud, la tension monte dans ce huis-clos explosif, l’orage menace dans cette ambiance survoltée.

Le parti pris de mise en scène, très dépouillé et plutôt contemporain malgré quelques notes rétro histoire est celui de rester dans un vague assez poétique. « Pas de samovar dans ma mise en scène » prévient Philippe Nicaud. Chaque personnage joue sa partition avec une intensité non guindée, délivrant un texte adapté pour un meilleur ancrage du texte dans le présent. Les sentiments sont teintés de mélancolie, de regret, d’impuissance, d’une absurdité que le comique allège. « Alors on boit, on danse, on chante, on rit, on pleure à n’en plus finir »…

Bravo à cette troupe enlevée qui chahute, se tord ou se trémousse, dont les corps s’expriment avec souplesse dans une tension permanente qui traduit la fulgurance des sentiments.

Bravo à chacun des comédiens parfaits dans leur rôle avec une mention particulière à Philippe Nicaud dont la présence sur scène est un vrai régal. Trouvailles amusantes, contorsions et équilibres audacieux… Le rythme malgré la mélancolie reste tonique et vous emporte jusqu’au bout dans son sillage absurde et drôle malgré tout.
C.G.