Interview de Patrick Mahé
Patrick Mahé, auteur du roman "Les Oies sauvages meurent à Mexico" (Photo David Raynal)
Pour votre second roman, Les Oies sauvages meurent à Mexico, qu’est-ce qui vous a donné l’envie de parler de ces parias irlandais passés au milieu du 19ème siècle du côté mexicain en pleine guerre contre les Etats-Unis ?
Patrick Mahé : Parce que pour moi ces parias sont des héros. Au départ, j’ai trouvé cette histoire un peu par hasard en publiant un livre consacré à saint Patrick chez Lionel Hoebeke. En faisant des recherches, j’ai découvert qu’il existait un bataillon le « Saint Patrick’s battalion » et que surtout on le traduisait en langue espagnole sous le nom de « Los San Patricios ». Puis durant l’été 2011, j’ai sympathisé au Festival Interceltique de Lorient avec Rafael Guttierrez, le responsable d’un pipe band (orchestre de cornemuses) mexicain la Banda de Gaïtas de los San Patricios. Ses musiciens défilaient derrière le drapeau du Mexique sur lequel il était brodé le nom de toutes les batailles livrées par le bataillon des Saint Patrick. Je savais également que Paddy Moloney, le leader du fameux groupe irlandais The Chieftains, avait enregistré avec le virtuose de la gaïta (cornemuse) galicienne Carlos Nùñez un album à la gloire des San Patricios, sur lequel Liam Neeson l’acteur irlando-américain avait également prêté sa voix. En fait, j’ai voulu à mon tour raconter par ce livre dans une grande épopée romanesque l’histoire de ces jeunes irlandais partis en 1846 vers les Etats-Unis pour échapper à la grande famine.
Patrick Mahé : Parce que pour moi ces parias sont des héros. Au départ, j’ai trouvé cette histoire un peu par hasard en publiant un livre consacré à saint Patrick chez Lionel Hoebeke. En faisant des recherches, j’ai découvert qu’il existait un bataillon le « Saint Patrick’s battalion » et que surtout on le traduisait en langue espagnole sous le nom de « Los San Patricios ». Puis durant l’été 2011, j’ai sympathisé au Festival Interceltique de Lorient avec Rafael Guttierrez, le responsable d’un pipe band (orchestre de cornemuses) mexicain la Banda de Gaïtas de los San Patricios. Ses musiciens défilaient derrière le drapeau du Mexique sur lequel il était brodé le nom de toutes les batailles livrées par le bataillon des Saint Patrick. Je savais également que Paddy Moloney, le leader du fameux groupe irlandais The Chieftains, avait enregistré avec le virtuose de la gaïta (cornemuse) galicienne Carlos Nùñez un album à la gloire des San Patricios, sur lequel Liam Neeson l’acteur irlando-américain avait également prêté sa voix. En fait, j’ai voulu à mon tour raconter par ce livre dans une grande épopée romanesque l’histoire de ces jeunes irlandais partis en 1846 vers les Etats-Unis pour échapper à la grande famine.
Bataillon des Saint-Patrick, alias Los San Patricios, un régiment constitué de déserteurs de l'armée des États-Unis, de confession catholique qui se mirent au service du Mexique entre 1846 et 1848. (photo L.D.)
Une fois débarqués sur le sol américain que va-t-il leur arriver ?
P.M. A leur arrivée, ces jeunes irlandais catholiques n’avaient d’autre recours que de s’engager dans l’armée américaine. Après plusieurs années de déshérence dans la misère et les bas-fonds de New York, sous la menace des Nativistes américains si bien décrits dans le film de Martin Scorcèse « Gangs of New York » avec Leonardo DiCaprio, ils quittent l’Amérique protestante pour rallier le général Santa Anna, le tombeur de Fort Alamo. Ainsi naît, au sein des troupes mexicaines, le bataillon des Saint-Patrick, alias Los San Patricios. Leur campagne, dans la guerre qui oppose le Mexique aux Etats-Unis, durera quinze longs mois dans la fournaise des sierras. Et quand la majeure partie de ces six cents insoumis seront faits prisonniers, Washington se montrera impitoyable. Voilà pourquoi j’ai raconté cet épisode douloureux de la mémoire collective avec évidemment en filigrane une belle et tragique histoire d’amour.
Qu’est-ce qui a déterminé le choix de votre titre, Les Oies sauvages meurent à Mexico ?
P.M. : Le titre de mon roman fait référence aux Wild geese, ces soldats irlandais qui à l’époque de Cromwell et de Guillaume d’Orange ont quitté l’Irlande après la bataille de la Boyne pour se placer au service du roi de France et d’Espagne. Plus tard, ils formeront la Brigade irlandaise et gagneront la bataille de Fontenoy. Les soldats du bataillon des Saint-Patrick sont pour moi leurs héritiers.
P.M. A leur arrivée, ces jeunes irlandais catholiques n’avaient d’autre recours que de s’engager dans l’armée américaine. Après plusieurs années de déshérence dans la misère et les bas-fonds de New York, sous la menace des Nativistes américains si bien décrits dans le film de Martin Scorcèse « Gangs of New York » avec Leonardo DiCaprio, ils quittent l’Amérique protestante pour rallier le général Santa Anna, le tombeur de Fort Alamo. Ainsi naît, au sein des troupes mexicaines, le bataillon des Saint-Patrick, alias Los San Patricios. Leur campagne, dans la guerre qui oppose le Mexique aux Etats-Unis, durera quinze longs mois dans la fournaise des sierras. Et quand la majeure partie de ces six cents insoumis seront faits prisonniers, Washington se montrera impitoyable. Voilà pourquoi j’ai raconté cet épisode douloureux de la mémoire collective avec évidemment en filigrane une belle et tragique histoire d’amour.
Qu’est-ce qui a déterminé le choix de votre titre, Les Oies sauvages meurent à Mexico ?
P.M. : Le titre de mon roman fait référence aux Wild geese, ces soldats irlandais qui à l’époque de Cromwell et de Guillaume d’Orange ont quitté l’Irlande après la bataille de la Boyne pour se placer au service du roi de France et d’Espagne. Plus tard, ils formeront la Brigade irlandaise et gagneront la bataille de Fontenoy. Les soldats du bataillon des Saint-Patrick sont pour moi leurs héritiers.
Mor bihan, la petite mer à tire-d’aile, est le douzième beau-livre en collaboration avec le photographe de la mer Philip Plisson.
Vous rempilez également avec le grand photographe de la mer Philip Plisson pour un douzième beau livre, Mor bihan, la petite mer à tire-d’aile, pourquoi ce livre bilingue français et breton ?
P.M. : J’estime qu’il faut toujours rendre à la Bretagne ce qu’elle nous a donné. Elle nous a donné un état d’esprit voyageur, une culture, mais aussi une langue qui a été abimée par l’histoire. Il est donc important, dans un livre consacré au Morbihan de lui rendre toute sa place, afin de permettre aux lecteurs de s’y intéresser. En produisant un livre avec des textes en langue française traduits en langue bretonne, nous pouvons attiser la curiosité de gens qui ne connaissent pas cette langue, faute d’y avoir eu accès. Pour moi, ce n’est pas une langue morte, mais plutôt une langue menacée qui se bat pour exister et qui reste par bien des aspects intensément vivante.
Comment est née votre relation avec votre complice Philip Plisson ?
P.M. : Cette relation est née sur une idée du navigateur Eric Tabarly, qui lors du grand rassemblement de bateaux de Brest 96 en déployant les cartes de navigation a mis Philip Plisson au défi de faire un livre sur l’Ecosse. Philip a répondu presque instantanément qu’il y avait déjà des centaines de beaux livres sur le sujet. Oui, a répondu Eric Tabarly, mais il y en a un qui n’existe pas, c’est le" tour d’Ecosse par la mer." Nous nous sommes donc mis d’accord pour le faire en nous disant que ce serait formidable de le sortir pour les 100 ans de Penduick, le bateau d’Eric Tabarly. Le livre a ensuite bien marché tant en France qu’à l’étranger et il a donné naturellement naissance à un deuxième ouvrage consacré à l’Irlande. Et c’est en faisant cet ouvrage sur l’Irlande, qu’Eric Tabarly partant pour les 100 ans de Penduick a sombré en mer. Nous lui avons bien sûr dédié ce livre et sommes restés fidèles à la mémoire de ce marin exceptionnel en continuant cette série avec Mer de Bretagne (Mor Breizh) puis Mer Celtique (Mor Keltia). Nous avons ensuite enchainé plusieurs ouvrages sur les côtes de France. Au départ, nous devions réaliser cette collection en cinq tomes, mais nous avons demandé à notre éditeur qu’il y en ait un sixième qui vient de paraître sur la Corse. Notre ambition était que l’île de Beauté puisse être décrite dans toute sa singularité et qu’elle ne soit pas seulement associée au trait de côte méditerranéen.
P.M. : J’estime qu’il faut toujours rendre à la Bretagne ce qu’elle nous a donné. Elle nous a donné un état d’esprit voyageur, une culture, mais aussi une langue qui a été abimée par l’histoire. Il est donc important, dans un livre consacré au Morbihan de lui rendre toute sa place, afin de permettre aux lecteurs de s’y intéresser. En produisant un livre avec des textes en langue française traduits en langue bretonne, nous pouvons attiser la curiosité de gens qui ne connaissent pas cette langue, faute d’y avoir eu accès. Pour moi, ce n’est pas une langue morte, mais plutôt une langue menacée qui se bat pour exister et qui reste par bien des aspects intensément vivante.
Comment est née votre relation avec votre complice Philip Plisson ?
P.M. : Cette relation est née sur une idée du navigateur Eric Tabarly, qui lors du grand rassemblement de bateaux de Brest 96 en déployant les cartes de navigation a mis Philip Plisson au défi de faire un livre sur l’Ecosse. Philip a répondu presque instantanément qu’il y avait déjà des centaines de beaux livres sur le sujet. Oui, a répondu Eric Tabarly, mais il y en a un qui n’existe pas, c’est le" tour d’Ecosse par la mer." Nous nous sommes donc mis d’accord pour le faire en nous disant que ce serait formidable de le sortir pour les 100 ans de Penduick, le bateau d’Eric Tabarly. Le livre a ensuite bien marché tant en France qu’à l’étranger et il a donné naturellement naissance à un deuxième ouvrage consacré à l’Irlande. Et c’est en faisant cet ouvrage sur l’Irlande, qu’Eric Tabarly partant pour les 100 ans de Penduick a sombré en mer. Nous lui avons bien sûr dédié ce livre et sommes restés fidèles à la mémoire de ce marin exceptionnel en continuant cette série avec Mer de Bretagne (Mor Breizh) puis Mer Celtique (Mor Keltia). Nous avons ensuite enchainé plusieurs ouvrages sur les côtes de France. Au départ, nous devions réaliser cette collection en cinq tomes, mais nous avons demandé à notre éditeur qu’il y en ait un sixième qui vient de paraître sur la Corse. Notre ambition était que l’île de Beauté puisse être décrite dans toute sa singularité et qu’elle ne soit pas seulement associée au trait de côte méditerranéen.
Le Port de Vannes et ses bâteaux de plaisance (Photo D.M.)
Natif de Vannes dans le Morbihan, quelle est selon vous la spécificité de ce département au sein de la région ?
P.M. : Tout d’abord son nom. Le Morbihan est le seul département de langue bretonne, mor bihan, qui signifie en français la petite mer. C’est aussi le seul département frontière avec tous les autres départements de Bretagne. A ce titre, il les unit tous y compris la Loire-Atlantique que l’on essaye depuis un décret loi de 1941 pris par le gouvernement de Vichy d’arracher à la Bretagne par des artifices administratifs. En dehors de ses deux villes phares, Vannes et Lorient, le Morbihan de Guidel jusqu’à la frontière du pays nantais, possède un trait de côte de plus de 100 km extrêmement riche et varié en raison de son microclimat et des centaines d’îles et d’îlots qui composent son golfe. A cela, il faut ajouter que la Bretagne est multiple. Il faut rappeler qu’elle est en superficie aussi grande que la Belgique, Flandre et Wallonie réunies. C’est pour cette raison que nous voulu publier deux livres consacrés à la Bretagne, l’un sur la Bretagne nord de Cancale à l’île de Molène, l’autre sur la Bretagne sud de Brest à Nantes qui est comme chacun sait, l’ancienne capitale historique du duché.
P.M. : Tout d’abord son nom. Le Morbihan est le seul département de langue bretonne, mor bihan, qui signifie en français la petite mer. C’est aussi le seul département frontière avec tous les autres départements de Bretagne. A ce titre, il les unit tous y compris la Loire-Atlantique que l’on essaye depuis un décret loi de 1941 pris par le gouvernement de Vichy d’arracher à la Bretagne par des artifices administratifs. En dehors de ses deux villes phares, Vannes et Lorient, le Morbihan de Guidel jusqu’à la frontière du pays nantais, possède un trait de côte de plus de 100 km extrêmement riche et varié en raison de son microclimat et des centaines d’îles et d’îlots qui composent son golfe. A cela, il faut ajouter que la Bretagne est multiple. Il faut rappeler qu’elle est en superficie aussi grande que la Belgique, Flandre et Wallonie réunies. C’est pour cette raison que nous voulu publier deux livres consacrés à la Bretagne, l’un sur la Bretagne nord de Cancale à l’île de Molène, l’autre sur la Bretagne sud de Brest à Nantes qui est comme chacun sait, l’ancienne capitale historique du duché.
1/ Patrick Mahé entouré de la chanteuse Nolwenn Leroy et de l'écrivaine Irène Frain 2/ Patrick Mahé lors de la Breizh Touch en 2007 en compagnie du chanteur breton Alan Stivell (Photos David Raynal)
Vous êtes également le président du Salon du livre en Bretagne qui se déroule du 21 au 23 juin à Vannes, pouvez-vous nous en dire davantage sur son esprit et les invités de cette sixième édition ?
P.M. : C’est un salon totalement gratuit qui repose sur la symbolique du triskèle. Le pays (ar vro), la mer (ar mor) et le vent, c’est à dire l’air du temps (an avel), ce qui nous permet d’inviter beaucoup d’auteurs qui n’ont pas forcément de points communs ni avec la Bretagne, ni avec la mer, mais qui sont dans le vent ou si vous préférez à la mode. Parmi les invités, nous aurons des habitués du salon comme Irène Frain, Janine Boissard et des grands écrivains de la mer, comme ce fut le cas pour Bernard Giraudeau à qui nous rendons cette année un hommage photographique. Didier Van Cauwelaert, Olivier Adam, Daniel Picouly, Jean Teulé, seront également parmi nous, tout comme Yann Queffelec qui cette année publie un majestueux Dictionnaire amoureux de la Bretagne de 800 pages. Pendant ce salon, nous délivrons trois prix pour des écrivains qui honorent la Bretagne, la mer et l’air du temps. Nous décernons enfin un prix pour le roman en langue bretonne. Trois dimensions pour un même et unique « triskèle littéraire » qui met simultanément en valeur, la culture bretonne, les écrivains de la mer, et quelque 200 plumes contemporaines. Propos recueillis par David Raynal
P.M. : C’est un salon totalement gratuit qui repose sur la symbolique du triskèle. Le pays (ar vro), la mer (ar mor) et le vent, c’est à dire l’air du temps (an avel), ce qui nous permet d’inviter beaucoup d’auteurs qui n’ont pas forcément de points communs ni avec la Bretagne, ni avec la mer, mais qui sont dans le vent ou si vous préférez à la mode. Parmi les invités, nous aurons des habitués du salon comme Irène Frain, Janine Boissard et des grands écrivains de la mer, comme ce fut le cas pour Bernard Giraudeau à qui nous rendons cette année un hommage photographique. Didier Van Cauwelaert, Olivier Adam, Daniel Picouly, Jean Teulé, seront également parmi nous, tout comme Yann Queffelec qui cette année publie un majestueux Dictionnaire amoureux de la Bretagne de 800 pages. Pendant ce salon, nous délivrons trois prix pour des écrivains qui honorent la Bretagne, la mer et l’air du temps. Nous décernons enfin un prix pour le roman en langue bretonne. Trois dimensions pour un même et unique « triskèle littéraire » qui met simultanément en valeur, la culture bretonne, les écrivains de la mer, et quelque 200 plumes contemporaines. Propos recueillis par David Raynal
Le 6e Salon du Livre en Bretagne de Vannes a lieu du 21 au 23 juin
Plus d'infos
Culture Whisky
Editions du Chêne
Prix : 35.00 €
Les Oies sauvages meurent à Mexico
Fayard
21.50 €
Morbihan, la petite mer à tire-d'aile
Editions du Chêne
39.00 €
Salon du livre en Bretagne de Vannes :
www.livresenbretagne.fr
Culture Whisky
Editions du Chêne
Prix : 35.00 €
Les Oies sauvages meurent à Mexico
Fayard
21.50 €
Morbihan, la petite mer à tire-d'aile
Editions du Chêne
39.00 €
Salon du livre en Bretagne de Vannes :
www.livresenbretagne.fr
Le 22 mai Patrick Mahé était honoré à Paris par l'ambassadeur d'Irlande Paul Kavanagh pour l'ensemble de son oeuvre autour de la culture gaélique et irlandaise (photo David Raynal)