L'art du graffiti
Certes, il convient de voir le monde et de voyager. Mais l’aventure, on le sait, peut surgir au coin de la rue. C’est une disposition d’esprit, une manière de regarder qui importent, d’abord. Sans doute aussi une certaine façon de marcher et de déambuler dans le plus proche, avant qu’il ne soit effacé. N’importe quel lieu, dès lors, peut susciter le sentiment de l’inconnu, sinon de la merveille. Le terrain vague, par exemple, fut un de ces espaces propices à l’éducation à l’imaginaire. Il disparaît désormais de nos réalités, comme vaporisé par la spéculation immobilière. Et les enfants aussi perdent avec lui le sentiment de la merveille. Leurs aventures se diluent dans la banalité distribuée par les kits télévisuels, et dans toutes les camelotes vendues pour faire passer le temps, alors qu’il suffit de prendre une bicyclette, et de pédaler le long du canal de l’Ourcq, depuis le bassin de la Villette jusque vers Tremblay et Villeparisis. Les friches industrielles témoignent alors des soubresauts d’une industrie qui a été démantelée, et les buissons ont poussé au milieu des cours d’usines, le long de la voie ferrée et du chemin de halage. Et puis plus loin, c’est la forêt, et son étrangeté.
Par le terrain vague, d’étranges contiguïtés se profilent : la ville devient poreuse à la banlieue, certes, mais aussi à du plus lointain, dès lors que la végétation y reprend ses droits. Dans les segments qui restent de l’ancienne voie de ceinture, du côté des Buttes Chaumont, par exemple, ou de la porte de Sèvres, les renards croquent les lapins, qui pillent les jardins secrets cultivés le long de l’ancienne voie qui rouille. Ce sont aussi des imaginaires qui surgissent, là où l’on ne considère que l’abandon. On a tort.
Dans les espaces où l’urbanité cultive le béton, c’est le tag, le graffiti, les fresques qui apparaissent. Dans les petits matins, les voyageurs reconnaissent cette œuvre surgie depuis la nuit, dans des espaces interlopes, et que les consciences rassises n’osent pas regarder de face. C’est pourtant là, dans ce mélange de la ferraille et du béton, dans cette floraison tenace, que des formes de création, liées à des marquages de territoires, deviennent visibles. Sans doute, le mouvement est-il en retrait, depuis la grande effervescence du début des années 2000. Voire.
Par le terrain vague, d’étranges contiguïtés se profilent : la ville devient poreuse à la banlieue, certes, mais aussi à du plus lointain, dès lors que la végétation y reprend ses droits. Dans les segments qui restent de l’ancienne voie de ceinture, du côté des Buttes Chaumont, par exemple, ou de la porte de Sèvres, les renards croquent les lapins, qui pillent les jardins secrets cultivés le long de l’ancienne voie qui rouille. Ce sont aussi des imaginaires qui surgissent, là où l’on ne considère que l’abandon. On a tort.
Dans les espaces où l’urbanité cultive le béton, c’est le tag, le graffiti, les fresques qui apparaissent. Dans les petits matins, les voyageurs reconnaissent cette œuvre surgie depuis la nuit, dans des espaces interlopes, et que les consciences rassises n’osent pas regarder de face. C’est pourtant là, dans ce mélange de la ferraille et du béton, dans cette floraison tenace, que des formes de création, liées à des marquages de territoires, deviennent visibles. Sans doute, le mouvement est-il en retrait, depuis la grande effervescence du début des années 2000. Voire.
Je ne connais pas de roman plus passionnant à cet égard que celui de Nathanaël Fox, La Nuit du Tagueur, publié récemment par les éditions Riveneuve. Roman résolument moderne, il nous met en relation avec ce monde à la fois mystérieux et si visible du graffiti, qui devient le lieu de germination de l’art visuel contemporain. C’est aussi plus sûrement celui de la signalétique de l’affrontement entre les bandes, rivales et méconnues, et d’une organisation sans limite de la répression.
Chez Nathanaël Fox, les espaces à la fois suturent et incisent, rapprochent et écartent ; d’invisibles couloirs souterrains relient les maisons à ces espaces qui résistent à la gestion urbaniste. Ils donnent sens à cette lutte âpre que mènent les personnages contre l’emprise de la ville et de la technique sur eux, comme la reconquête par les êtres, de valeurs qui s’absentent tant elles ont fini par paraître désuètes et inactuelles : à l’inverse, il s’agit de ne plus être réduits à des personnages de jeux de rôles électroniques, à des traces parentales douloureuses et de contraindre les regards à la réalité. C’est aussi un beau roman qui dit les transmissions familiales mal fichues, l’installation dans des espaces indéfinis, ni en ville, ni en banlieue, comme pour mieux assumer la lutte face à soi-même, comme la résistance au « lâcher tout » du commun, et qui peine parfois à trouver les mots.
Alors, on peint, on graffe, on s’esclaffe, même si le sérieux des adolescents est parfois insoutenable. Nous le savons bien : c’est de là aussi que nous venons et les personnages prennent un plaisir particulier à le rappeler au lecteur. Nathanaël Fox s’empare enfin d’une exigence littéraire primordiale : raconter, dans une langue précise, nos imaginaires embrouillés, nos craintes farfelues, comme la nécessité de partager des imaginaires qui résonne aussi de toutes les douleurs mal agencées. La faire résonner, cette exigence, c’est redonner sens à notre aventure du quotidien, pas toujours simple, sans doute, mais la plupart du temps poétique. Il suffit de se rendre sur le site du Musée des Graffitis, fondé par Yona Friedman, pour s’en convaincre.
C’est une disposition d’esprit, une manière de regarder qui importent, d’abord. Sans doute aussi une certaine façon de marcher et de déambuler dans le plus proche, avant qu’il ne soit effacé…
Yves Rinauro
La Nuit du Tagueur de Nathanaël Fox
Aux éditions Riveneuve.
Musée des Graffitis :
http://lilolila19.free.fr/
Crée en janvier 2004, Lilollila est une association qui cultive un jardin partagé au 295, rue de Belleville.
Comme d'autres associations parisiennes, Lilollila a signé la Charte Main Verte de la Ville de Paris qui l'engage à mettre en œuvre un jardinage écologique.
Ses adhérents sont fiers de proposer un jardin ancré dans leur quartier.
Aux éditions Riveneuve.
Musée des Graffitis :
http://lilolila19.free.fr/
Crée en janvier 2004, Lilollila est une association qui cultive un jardin partagé au 295, rue de Belleville.
Comme d'autres associations parisiennes, Lilollila a signé la Charte Main Verte de la Ville de Paris qui l'engage à mettre en œuvre un jardinage écologique.
Ses adhérents sont fiers de proposer un jardin ancré dans leur quartier.
Balade à vélo sur les quais du canal de l'Ourcq à Paris