"La Légende d’une vie", le poids du père , une pièce méconnue de Stefan Zweig

Pas facile de se construire face à la célébrité d’un père…
 



Le jeune artiste Friedrich (Gaël Giraudeau) souffre d’une double emprise qui étouffe sa vie et sa créativité.



Celle de son père d’abord, Karl Franck, auteur célèbre et révéré aujourd’hui décédé ; celle de la mère qui œuvre sans relâche au culte du grand homme et s’apprête désormais à faire de même avec son fils doué…

Au lever de rideau, celui-ci refuse la lecture de ses pages face à un public d’initiés prévue par cette mère autoritaire …

La suite va montrer que cette femme ambitieuse qui a tout misé sur la gloire de son mari (Nathalie Dessay) cache avec la complicité de l’éditeur (Bernard Alane) un secret qui pourrait bien écorner l’image de l’écrivain et brouiller les cartes familiales…
 

Un rebondissement qui dévoile les non-dits
     



Dans un décor Art Déco dont la grande toile de fond minimaliste signe l’élégance, surgit, non attendue, une certaine Marie Folkenhof (Macha Méril) que seul le jeune homme ne semble pas connaître.

Commence un échange entre elle et les trois protagonistes qui va donner un jour nouveau à une réalité familiale que le jeune homme ignorait.

Qui va aussi donner un éclairage plus chaleureux à la froide posture maternelle et permettre à ce dernier de respirer en affirmant enfin sa propre identité. Difficile de se construire face au modèle sur piédestal du père !




Des comédiens au top servis par un décor élégant et une belle mise en scène

Saluons l’excellence des cinq comédiens sur scène. Macha Méril tout à son aise dans ce personnage libre et généreux qui sans s’imposer arrive à dénouer les non-dits et à faire admettre in fine sa place en toute simplicité.

Face à elle, Nathalie Dessay, en femme froide, calculatrice et autoritaire, fait un contrepoint pleinement assumé.

Gaël Giraudeau s’affirme avec finesse et maestria dans l’évolution de ses affects.

Bernard Alane, en éditeur pris entre deux feux et complice d’un mensonge, pris qu’il est entre la notoriété de l’auteur décédé et la vérité de  sa vie, est parfait lui aussi ; de même que Valentine Galey dans le rôle de la jeune sœur.
 
Le décor 1930 est un vrai bonheur visuel ainsi que la sobre mise en scène qui magnifie la présence des comédiens. Belle soirée et succès mérité pour cette pièce de 1919 peu connue du grand Stefan Zweig. Elle interroge comme il sait le faire les méandres de l’âme humaine en les traitant ici sur une note d’espoir au final.