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Reportage

Amazonie péruvienne : réserve ouverte à Pacaya-Samiria

A trois heures au sud d’Iquitos, en Amazonie péruvienne, communautés autochtones et nature sauvage vivent en harmonie. Bienvenue dans la réserve nationale Pacaya-Samiria, entre les fleuves Marañon et Ucayali, d’où naît l’Amazone.

Par Claude Vautrin



Amazonie péruvienne Loreto Réserve nationale Pacaya Samiria   @ Claude Vautrin
Amazonie péruvienne Loreto Réserve nationale Pacaya Samiria @ Claude Vautrin
Sur la rive droite, la réserve nationale Pacaya-Samiria, la deuxième plus grande zone protégée du Pérou, s’étire, vers l’est et le sud, sur près de 2,1 millions d’hectares.

En face, la rive gauche abrite une communauté d’un millier d’autochtones de l’ethnie Cocama-Cocamilla (ou Kukama Kukamiria), restée fidèle depuis la création de la réserve en 1972, comme nombre de communautés, à ce petit coin du Loreto, le département le plus étendu du pays. Né à des centaines de kilomètres de là, à 5800 mètres d’altitude au cœur de la cordillère des Andes, le Marañon, 1,2 km de largeur, roule ses flots puissants. A moins d’une heure de bateau, le seul moyen de locomotion, il confluera, non loin de Nauta, avec l’Ucayali pour donner naissance à l’Amazone. Une référence planétaire !  Maîtresse des lieux est en tout cas l’eau en cette Amazonie péruvienne. La remontée du fleuve, sous un ciel crépusculaire, zébré des lumières indécises du soleil couchant, donne le ton.
 

Inondé six mois dans l’année

En fait l’eau s’insinue partout, s’incruste au cœur même de l’immense forêt, parsemée de lagunes, lacs et canaux naturels, inondée six mois dans l’année. Seule la saison dite sèche, de mai à novembre, laisse aux membres des 36 ethnies peuplant la région (sur les 72 que compte le Pérou) l’opportunité de tirer profit des limons fertiles des berges du fleuve ainsi libérées pour y planter riz, maïs, haricots, cacahuètes, papayers, bananiers... De quoi équilibrer un régime alimentaire qui doit beaucoup aux fruits, légumes, poissons d’une nature depuis toujours généreuse. Dans la communauté San Jorge, jouxtant l’Ecolodge Pacaya Samiria, et lui fournissant une main d’œuvre efficace et souriante, le quotidien n’en reste pas moins éloigné du confort urbain. Logique de l’éloignement géographique. « L’électricité ne fonctionne que trois heures la nuit, deux à trois fois par semaine seulement ». Nulle douche dans les maisons de bois au mobilier sommaire, abritant par foyer six à sept enfants, jusqu’à douze parfois. Un équipement collectif est mis à disposition une heure par jour. En cette période de baisse de niveau des eaux, le précieux liquide est en outre rationné, ce qui complique la tâche. L’entretien du village, de ses allées de béton, de ses placettes revient aux habitants, qui ne connaissent il est vrai pas l’impôt. Un enfant collecte ainsi les déchets de la nuit, autour des écoles maternelle, primaire et secondaire, dont l’enseignement est bilingue (espagnol et langue autochtone) et qui accueille les enfants de sept communautés voisines. Des amendes pénalisent les récalcitrants. L’alcalde, le maire, y veille. Pas de souci pour lui, le village-jardin fleure bon les parfums de la flore amazonienne et la propreté.
 
-	Amazonie péruvienne Loreto Réserve nationale Pacaya Samiria  @ Claude Vautrin
- Amazonie péruvienne Loreto Réserve nationale Pacaya Samiria @ Claude Vautrin

Un tourisme « expérientiel »

Pour la santé, en cas de problème, direction l’autre rive et la communauté de Santa Fé disposant d’un poste médical. L’hôpital se situe à Nauta, à une heure. Précarité là encore. La vie est rythmée par les travaux agricoles, la collecte, la pêche, la chasse, au cœur même de la réserve. « Protéger la nature n’est pas restreindre, ou interdire, mais intégrer au contraire les communautés dans sa gestion », confie Usiel, le guide, un métis originaire du nord-est de l’Equateur, d’une forêt dévastée par l’exploitation du pétrole. A San Jorge, les emplois proposés par le lodge voisin améliorent l’ordinaire, comme l’étang aménagé au sein du village pour stocker les poissons du fleuve, tandis que se développe un tourisme dit « expérientiel ». Ou comment « offrir une expérience unique aux voyageurs et leur permettre de découvrir une région de l’intérieur, en se plongeant dans le quotidien de la population locale », en découvrant les savoir-faire locaux ! La rencontre de Senora Salela, une des femmes du centre d’artisanat (Pua Kamatawara) participe de cette dynamique, via une démonstration éloquente de teintures naturelles à base de plantes endémiques : le vert tiré du Cocana, l’indigo du Michkipanga, le rouge du Pukapanga, l’orange du Paprika, le jaune du Curcuma. Aussi exotique que convaincant ! Une certitude, tous les objets conçus et fabriqués ici ont pour matière des éléments naturels.
 
-	Communauté San Jorge Démonstration de teintures naturelles@ Claude Vautrin
- Communauté San Jorge Démonstration de teintures naturelles@ Claude Vautrin

Dauphins roses et serpent corail !

La richesse et l’extrême variété de la biodiversité de Pacaya Samiria sont autant d’opportunités pour engager les échanges, et mieux mesurer la communion, pour ne pas dire l’interdépendance quasi viscérale, entre la nature et les hommes. Le plaisir est grand de partager ainsi le souffle et l’agilité des dauphins roses, appelés aussi botos, des cétacés ne vivant que dans les eaux douces, à des milliers de kilomètres de la mer. L’espèce qui évoluait il y a dix millions d’années dans une mer intérieure, aux eaux salées donc, disparue suite à l’apparition de la cordillère des Andes, se serait adaptée, survivant à ces mutations géologiques majeures. La fascination est certaine de côtoyer cette sorte d’espèce relique n’ayant rien perdu de sa souplesse, malgré ses 25 millions d’années d’existence. Aucune découverte n’étant taboue, une première sortie nocturne ouvre plus encore l’éventail des contacts inédits avec la faune locale. Il fait nuit, l’abordage sur terre est boueux, la marche indécise dans une forêt livrée à des bruissements incertains. L’enjeu est de se mettre en quête d’araignées ou de serpents, eux aussi en chasse nocturne. Gagné. La lampe torche laisse apparaître sur un tronc les longues pattes d’une araignée errante, ou bananière, aux membres velus, au venin toxique, voire mortel. A deux pas, une phoneutria boliviensis, l'une des araignées les plus dangereuses d'Amérique latine, s’octroie, elle aussi, une balade sous les étoiles. Jamais deux sans trois, dit l’adage. Cette fois un petit serpent corail prend l’air autour d’une écorce. Suffisant pour se faire une idée de l’univers invisible, imprévisible qui grouille dans la forêt, peu avare de procurer en journée des émotions plus douces à vivre.
 
Aucune découverte n’étant taboue, une première sortie nocturne ouvre plus encore l’éventail des contacts inédits avec la faune locale Claude Vautrin
Aucune découverte n’étant taboue, une première sortie nocturne ouvre plus encore l’éventail des contacts inédits avec la faune locale Claude Vautrin

Un spectacle permanent

Car la vie explose. Une fois, les formalités enregistrées au poste de contrôle de Nauta Cano, l’embarcation suit un canal naturel aux eaux noires, acides, tranchant avec les eaux brunes chargées d’alluvions du fleuve. Un autre univers s’ouvre, fait de pépiements juvéniles, de cris rauques, de chants… Aux oiseaux, en nombre, d’ouvrir en effet le ban. Près de 350 espèces s’épanouissent dans la forêt, les lagunes, lacs et marais, et la végétation luxuriante de la réserve. Vol lent d’un majestueux héron cocoï, sonore et vif d’un martin-pêcheur à ventre roux, criard d’un couple de perroquets royaux, d’un toucan ou d’un guacamayo coloré, envol plus lourd d’une oie sauvage d’Amazonie, survol plus inquiétant d’un urubu : le spectacle est de tous les instants. Le guide, local, s’en donne à cœur joie pour imiter les cris et hurlements de singes hurleurs, voire de jaguars plus difficiles à surprendre. Pacaya-Samiria abrite près de 130 mammifères, parmi lesquels la loutre géante, le chat sauvage, le ronsoco, le plus gros rongeur au monde, le tapir… Tête en bas et pattes en l’air, un paresseux joue l’indifférence, accroché à la branche sommitale d’un kapokier aux fruits rouges. C’est sans compter avec d’autres espèces animales sous protection : onze variétés de tortues, les singes - beau noir, laineux ou encore tamarin, le singe écureuil… - nombre d’amphibiens et de reptiles, tels le lézard caïman amateur d’escargots ou le moins aimable anaconda. Parmi les plus de 450 espèces de poissons, le Paiche, le poisson d’eau douce le plus grand au monde, peut mesurer jusqu’à trois mètres ! Plaisir garanti pour les autochtones qui en raffolent, sa pêche étant cependant interdite durant certaines périodes pour assurer sa reproduction. La conscience des richesses et des beautés naturelles à préserver semble majoritairement partagée.
 
Près de 350 espèces s’épanouissent dans la forêt, les lagunes, lacs et marais, et la végétation luxuriante de la réserve @ Claude Vautrin
Près de 350 espèces s’épanouissent dans la forêt, les lagunes, lacs et marais, et la végétation luxuriante de la réserve @ Claude Vautrin

Un patrimoine et un héritage à préserver

La nature et la culture ancestrale, traditionnelle sont tout autant intimement liées, comme en témoigne à San Joaquin de Omagua la rencontre de Wilmer, un jeune universitaire de l’ethnie Omagua. Dans cette communauté établie, entre Nauta et Iquitos, sur la rive gauche de l’Amazone, il tente de perpétuer la langue de son peuple dont les cinq derniers locuteurs du village sont décédés de la Covid. Dans l’espace culturel dédié à sa nation figurent en bonne place les biographies et portraits des personnages célébrés par San Joaquin, tous explorateurs, scientifiques et impliqués dans « la défense des territoires amazoniens du Pérou » : le Tchèque Samuel Fritz, jésuite et cartographe (1654-1723), le Français Charles de la Condamine (1701-1774), encyclopédiste, botaniste, zoologue et géographe, l’Italien Antonio Raimundi (1824-1890), géographe et naturaliste. Le jeune chercheur autochtone les salue avec respect, liant leur quête au devenir mémoriel des peuples autochtones. Et à la sauvegarde de leur si beau territoire, partie intégrante du poumon de la planète. Le découvrir ne peut faire que du bien.
 
Communauté San Jorge de l’ethnie Kukama Kukamiria @ Claude Vautrin
Communauté San Jorge de l’ethnie Kukama Kukamiria @ Claude Vautrin

Plus d'infos

Promperu Francia 120, av des Champs Elysées 75008 Paris - Tél :01 40 70 13 05 - ocexparis@promperu.gob.pe http://www.promperufrancia.fr/contacto.html
 
Y aller
Vol Paris Orly/Madrid/Lima Latam ou Iberia. Puis vol Lima/Iquitos (Latam). Durée 1h50 sans escale. Bus d’Iquitos à Nauta (environ 2 heures) – Moto taxi pour traverser Nauta et rejoindre le port fluvial sur le Marañon. Bateau (environ 1 heure) jusqu’à Pacaya Samiria Amazon Lodge. La devise est le Sol péruvien. La CB est acceptée au Lodge. Passeport d’une validité d’au moins six mois.
 
Visiter
Sao Joaquin de Omaguas
Sur la route entre Iquitos et Nauta. Belle vue panoramique sur l’Amazone. Petit musée dédié aux indiens Omaguas.
 
Communauté San Jorge de l’ethnie Kukama Kukamiria : découverte de la communauté, rencontre avec les artisanes traditionnelles du groupe Pua Kamatarawa (bracelets, colliers et autres objets faits avec des éléments naturels du cru…)  
 
Réserve Pacaya Samiria.
Pacaya Samiria est la deuxième plus grande zone protégée du Pérou. Véritable paradis pour les amoureux de la nature, sa biodiversité se traduit par plus de 1000 espèces d'animaux et 965 espèces de plantes sauvages. Cette forêt humide, tropicale et inondable est un écosystème autonome et exemplaire, qui abrite des communautés autochtones qui ont fait du tourisme expérientiel un de leurs principaux moyens de subsistance. Ici, au bord des fleuves Marañon et Ucayali, vivent 42 000 personnes regroupées en 94 villages et 50 000 autres dans la zone frontalière.
Prévoir poncho de pluie, anti-moustique, trousse de secours, bottes, eau potable, ainsi qu’une assurance voyage !
 
Se restaurer et dormir
Pacaya Samiria Amazon Lodge, Ecolodge sur la rive gauche du fleuve Marañon. Restaurant Collpa - Ingrédients locaux cuisinés par les locaux. Au Cosho Bar, les boissons sont préparées avec des ingrédients uniques et typiques de l'Amazonie péruvienne. Club House de style Kukama.

Le lodge propose plusieurs programmes de visite : promenade nocturne dans la jungle, visite de la réserve en bateau, pêche, baignade, rencontre des dauphins rose et gris…
https://www.pacayasamiria.com.pe/
 
Les fleuves Amazone et Maranon @ Claude Vautrin
Les fleuves Amazone et Maranon @ Claude Vautrin


04/08/2024
Claude Vautrin





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