Auxerre, Chablis, Tonnerre - l’authenticité bourguignonne !

 Auxerre, un patrimoine médiéval préservé et bordé par sa rivière  
 

 

La rivière c’est l’Yonne et c’est elle qui coule à Paris comme l’affirment encore certains, son débit d’eau étant plus fort que la Seine quand elle la rejoint à Montereau… Mais les jeux sont faits et la controverse dépassée ; depuis que la Seine traverse la capitale pas question de la détrôner.




Rendons néanmoins hommage à cette belle rivière en arrivant par la rue qui longe ses berges. Depuis la passerelle qui enjambe la rivière on découvre l’un des plus beaux panoramas urbains de France couronné par la cathédrale et l’abbaye au-dessus de la vieille cité médiévale.


Un moment de ravissement qui donne un avant-goût des futures découvertes. Commençons par le quartier des Mariniers tout proche, mémoire de l’ancien port d’Auxerre (prononcer Ausserre parce qu’au Moyen Age la ville se nommait Auceurre…).


La statue en bois polychrome de Saint Nicolas, patron des “gens de l’eau“, veille toujours sur la place du Coche-d’eau où vivaient pêcheurs, tanneurs, bateliers et marchands au XVIIIe siècle. Le port était alors très prospère.

On grimpe dans le lacis des ruelles pavée en prenant son temps le long du parcours fléché de Cadet Roussel, ce personnage excentrique qui vécut à Auxerre et dont on connaît la chanson moqueuse. 

Il y a tant de choses à découvrir entre les hôtels particuliers protégeant les jardins derrière de hauts murs et les sculptures anciennes des maisons colorées à pans de bois.

Cinq-cents maisons dit l’inventaire embellissent la ville de leurs poutres en chêne obliques, verticales ou travaillées en croix de Saint-André protégées souvent par un toit en avancée. Parmi les sculptures sur bois voici deux étonnants poteaux d’angles corniers du XVe siècle rue Joubert et rue Fécauderie. Dans l’ancien quartier des vignerons les soupiraux à la base des façades donnent sur des caves où le vin s’entreposait...

Pour la tour de l’horloge dont les habitants sont si fiers il faudra revenir l’année prochaine car elle est actuellement voilée le temps de se refaire une beauté pour retrouver son air du XVe siècle.


Dommage aussi pour sa fameuse horloge de même époque, il faudra patienter pour y lire l’heure solaire et les phases de la lune dans leur ornement gothique. On se console en poussant les portes de l’Abbaye Saint-Germain, ancienne nécropole des évêques d’Auxerre et ensemble monastique du Vé siècle.

Seize siècles d’histoire défilent le temps d’une visite entre les hauts murs de ce qui fut l’un des centres majeurs de la Renaissance carolingienne.

On a du mal à imaginer qu’ici vécurent jusqu’à six-cents moines et cinq mille étudiants. Dans les cryptes du IXe siècle aux oratoires soutenus par quelques colonnes gallo-romaines sont disposés les sarcophages autour de celui de Saint Germain révéré jadis par les pèlerins.

En 1927 les plus anciennes fresques de France ont été découvertes ici sous les enduits. En regardant bien on distingue l’extase et la lapidation de Saint Etienne. La cathédrale gothique mérite elle aussi la visite pour ses trois portails illustrant l’un la vie de la Vierge, l’autre le jugement dernier le troisième Saint Jean Baptiste. La pierre calcaire qui a subi les outrages du temps révèle quand même la finesse du travail des artisans du XIVe siècle.

A vélo, à pied ou en bateau vous ne pouvez quitter la ville sans une balade sur le canal qui relie en 174 km et 110 écluses Auxerre à Decize, l’Yonne à la Loire.

Le canal servait autrefois à approvisionner Paris et les grandes villes en vins et en bois de chauffage. Il se prête aujourd’hui aux séjours en péniche, aux balades en bateau ou en canoë kayak, à la pêche et même au ski nautique. Glisser sur l’eau quelques heures ou la journée dans le grand silence et la paix du bocage vous remet les idées en place. Dans les méandres tout en lenteur et douceur de cette eau paisible défilent les petits ports de plaisance et les villages viticoles. Quant au passage des écluses c’est une expérience amusante pour les petits comme pour les grands. Si vous souhaitez piloter vous-même en toute sécurité, choisissez un bateau électrique qui ne demande pas de brevet d’aptitude et vous voilà maître à la barre avec possibilité de faire halte où vous voulez. Et pour l’anecdote, sachez que traditionnellement le sapin de Noël de l’Élysée est acheminé depuis le port sur l’Yonne d’Auxerre après avoir été coupé dans la forêt du Morvan… Jolie tradition.

Son profil extérieur impressionne par son volume et en faire le tour dans son écrin de verdure est conseillé pour en mesurer l’ampleur.

Fondée en 1114 dans le diocèse d’Auxerre elle est la deuxième des quatre premières filles de Cîteaux. Sa réputation lui fit accueillir et protéger l’archevêque de Canterburry, Thomas Becket.

Comme toujours dans l’art cistercien, l’architecture du XIIe siècle privilégie le dépouillement et la lumière à l’image de la vie d’austérité, de silence et de travail de ces moines à l’origine de la réforme bénédictine.

C’est ce qui vous saisit quand vous pénétrez dans l’immense nef, le transept roman et quelques éléments gothiques préfigurant les cathédrales à venir. Malgré leur austérité les moines de l’abbaye n’en furent pas moins à l’origine du vignoble de Chardonnay qui partira vite à la conquête du monde après la table des Rois de France.   

En plein cœur de l’Yonne, au creux de son moutonnement de vignes et de ses maisons aux toits de tuiles plates typiques de Bourgogne Chablis jouit d’une prospérité vigneronne depuis le Moyen Age.


 
Ce terme local caractérise des parcelles bien délimitées géologiquement (marnes et calcaires) et climatiquement. Sachez qu’un label validé par le Ministère du Tourisme promeut l’œnotourisme sur le territoire en sélectionnant certains vignerons avec propositions d’hébergement, restauration, visites de caves, dégustations et événements dans le vignoble.   Une nuit sur place et vous en saurez plus sur ces vins de choix dans la bonne humeur et le sens de l’accueil.

En bordure du canal du Nivernais, dans un ancien moulin un peu perdu dans la forêt près d’Auxerre le musée Pierre Merlier a ouvert ses portes.


Il fut la demeure et l’atelier de ce sculpteur prolifique mort en 2017 qui y travailla tout le bois qui lui tombait sous les mains. Celui qu’il ramassait dans la forêt, celui qu’on lui apportait. En s’inspirant de ces fûts effilés il adaptait ses créations selon l’idée qui lui venait puis il les peignait pour mieux les animer. Il y en a des centaines qui forment une population foisonnante de créatures étranges, parfois surréalistes, ironiques, souvent cocasses et pas toujours orthodoxes. Le lieu mérite qu’on s’engage sur la route solitaire qui y mène d’autant que l’accueil est charmant.
 

Un couple cette fois et une autre forêt, celle d’Argentenay près de Tonnerre. 


Alain Bresson, artiste de Land art et sa compagne plasticienne Marie-Laure Hergibo interviennent depuis quelques années sur deux thèmes communs, l’animal et la nature.

Dans la Forêt des Géants verts Alain inscrit son geste sur le bois vivant en procédant par coupes, assemblages de branches et de mousses avant de laisser ces interventions évoluer dans le temps comme des silhouettes fantastiques d’oiseaux, de poissons volants, de chevaux. Il éclaire ses œuvres de textes poétiques qui traduisent son engagement pour l’écologie. Marie-Laure l’accompagne de ses grandes plumes peintes dans la transparence des moustiquaires en polystyrène qui peuvent devenir voile de bateau ou vivre pour elles-mêmes au détour d’un sentier.

Né ici, Charles d’Eon de Beaumont dit le chevalier d’Éon aimait se travestir en femme et c’est ce qu’il fit pratiquement toute sa vie tandis que son identité sexuelle demeura jusqu’à la fin énigmatique.

Personnage public brillant, il œuvra dans la diplomatie secrète de Louis XV en tant qu’espion, en particulier en Russie et à Londres mais il serait trop long d’évoquer les riches rebondissements de son existence. Un musée lui est consacré en ville dans sa belle maison de naissance. Le second mystère c’est celui de la Fosse Dionne aménagée en lavoir au XVIIIe siècle. Son eau couleur turquoise s’écoule en flots toute l’année depuis des lustres sans que l’on en ait découvert leur origine malgré les plongées des spéléologues. Certaines firent des morts et les dernières n’ont pu dépasser les 80 mètres de profondeur. Le mystère reste donc intact mais elle est si belle en surface…On ne quitte pas cette charmante ville aux demeures anciennes coiffées de l’église Saint Pierre sans visiter l’immense Hôtel-Dieu, 90 mètres de long, fondé au XIIIe siècle par Marguerite de Bourgogne pour accueillir sous ses voûtes en berceau les orphelins, les indigents, les pèlerins et les malades. Ils repartaient nourris, habillés et guéris. Belle vocation. La Mise au Tombeau en pierre sculptée dans la chapelle du fond est une belle œuvre datant de 1453 et caractéristique de l’école bourguignonne.

Les travaux ont duré des années mais les résultats sont éblouissants pour ce pur exemple d’architecture italienne de la Renaissance.


Le château est désormais ouvert à la visite avec sa cour d’honneur et la richesse des collections de peintures et de mobilier, ses plafonds à caissons et ses sols en mosaïques dans l’enfilade des salles.

On aime particulièrement les appartements du Roi, la chapelle, le salon Louvois, la chambre de Judith, l’appartement de Diane et l’étonnante galerie de Pharsale, chef d’œuvre de fresque attribué à l’École de Fontainebleau représentant la bataille du même nom sur trente-deux mètres de long.

A l’extérieur, le parc de 50 ha et les jardons sont un pur enchantement.


C.G.