Gujarat, une Inde fascinante et secrète

Enfant du Gujarat, Gandhi crée son ashram dans la capitale


 

Les affres de la circulation et le brouhaha ont de quoi surprendre à l’arrivée dans cette Manchester de l’Orient, ainsi nommée par les Anglais du temps de sa prospérité textile.






Mais ne nous laissons pas prendre à cette hystérie collective, classique quand on connaît Dehli ou Bombay. On se pose un moment sachant que l'impression première va s'estomper au profit des trésors que nous allons trouver... A commencer par la visite à l'ashram de Gandhi transformé en musée dans la sérénité d'un parc arboré. 

C'est à Ahmedabad que le Mahatma a ouvert cette institution spirituelle pour transmettre son enseignement car c'est dans le Gujarat qu'il est né et a grandi. C’est là qu’il a amorcé en 1920 le mouvement de désobéissance civile et entamé en 1930 la Marche du sel sur 300 km jusqu’à la mer, marche symbolique de réappropriation de ce sel injustement exploité.

La visite s’impose comme une introduction à la richesse humaine de ce pays encore ignoré des touristes
 

Un vrai dédale pour lequel il vaut mieux être accompagné d’un guide au risque de s’y perdre et de tourner en rond.

Mais que de surprises insolites en pénétrant dans l’une de ces enceintes où vivent toujours des générations de familles autour de leur temple ou mosquée tandis que les vaches vaquent tranquillement parmi le jeu d’enfants sans être bousculées. 

L’ensemble aurait besoin de rafraichissements, le délabrement étant évident, mais l’entreprise est immense. Gageons que l’Unesco qui a classé ces Pols les garde de la disparition.

Un peu à l’écart, la Jami Masrid, XVè siècle, a gardé tout son lustre.


Cour spécieuse, fontaine aux ablutions et 260 piliers sculptés de style hindou-jaïn. Trois religions ont travaillé ici la pierre, symbole de cette tolérance qui donne son harmonie à l’ensemble.

Au nord de la ville, le Dada hari vav flanqué de sa mosquée du XVe siècle, est l’un des somptueux puits à degrés qui caractérisent la région. Il plonge en cinq étages de galeries et de colonnes sculptées jusqu’à la source autrefois vitale pour le quartier. Il servait alors de caravansérail pour le repos des caravaniers et de leurs chameaux qui se désaltéraient dans un autre pol à côté. Il en existerait plus de 500 dans la région dont un inscrit au Patrimoine mondial…

Rencontres insolites dans la péninsule de Kathiawar
 
La route est longue dans cette région entre mer d’Oman et golfe de Cambay. Mais le trajet est une fin en soi car la campagne offre une multitude de haltes et de rencontres inoubliables, les Gujarati étant curieux, souriants, accueillants.


Comme cette tribu Jat qui a installé ses tentes rudimentaires en ce milieu de nulle part, préférable pour son troupeau au désert du Kutch où elle vit à l’ouest du pays. La sécheresse qui règne en mars dans cette région ne permet plus de nourrir ses vaches. Le regard intense de ces femmes, leurs bijoux argentés et leurs robes brodées sont un beau défi à leur pauvreté. Si l’échange est un peu rétif au départ, il devient vite hospitalier et elles nous accueillent sous leurs abris de fortune. Plus loin dans le parc national de Gir, ce dernier habitat des lions d’Asie, les bergers veillent sur leurs troupeaux de buffles armés d’un simple gourdin pour les protéger des fauves. A proximité de Detpur, les saris de coton sèchent au sol par milliers dans une explosion de couleurs illuminant l’espace. L’occasion d’un nouvel arrêt pour observer les différentes étapes de la fabrication… A proximité de Rajkot, on peut aussi admirer dans les villages l’élaboration d’un tissage très raffiné, le patola, avec des fils de soie délicatement teints et séchés.
 

Toute la ferveur hindoue à Girnâr, près de Jūnāgadh
 

La ville fut jadis capitale du Gujarat et garde de sa splendeur passée un fort du IIIe siècle souvent remanié dont la vieille mosquée sur place a récupéré les colonnes d’un palais hindou plus ancien encore.

On s’y balade dans une ambiance nostalgique et parmi les touches éclatantes des saris avant de descendre jusqu’au Mahabat Khanji 1^er, le mausolée du nabab de Jūnāgadh. Un monument insolite dont les minarets en vis et le style islamo-indo-britannique sont un rappel de l’histoire locale compliquée du siècle passé. Ici a régné le dernier nabab avant de choisir le Pakistan au moment de la partition, laissant sur place d’immenses propriétés plus ou moins dévastées.  A quelques kilomètres, le mont Girnâr, haut-lieu de pèlerinage à Shiva, demande de se lever tôt si on veut assister aux premières ablutions sur les ghâts, devant les sanctuaires, sous les dorures, au pied des divinités peintes ou sculptées, dans le parfum d’encens qui s’élève dans une atmosphère mystique et bariolée. Les plus courageux graviront les 9 900 marches où culmine une multitude de temples. Mais il faut du souffle et l’ambiance hallucinée au départ est déjà une belle expérience : sâdhus plus ou moins vrais, nagas couverts de cendres faisant la mendicité, clinquant de religion mêlé à une authentique ferveur, marchands du temple vendant des colifichets… Un spectacle baroque à ne pas manquer !

Il suffit de passer le pont pour arriver à Diu, une île à part…
 
Nombreux sont les Gujarati à venir chaque week-end profiter des plages de sable dans le calme et la sérénité.

Petite Goa, Diu garde l’empreinte des Portugais dans son église et sa forteresse dont les bastions longent la mer et délivrent une vue spectaculaire. Ce bout d’île présente de plus un avantage de taille : c’est le seul coin du Gujarat où l’alcool peut être consommé. Mais gare au retour ! Après la douane cette boisson est sévèrement prohibée. Tôt le matin on assiste à l’arrivée des pêcheurs au village de Vanakbara, spectacle haut en couleurs. Les bateaux aux coques peintes déchargent dans les nuées de mouettes et de cormorans des poissons étonnants qu’ils conditionnent avec des pains de glace tandis que les femmes en saris multicolores commencent la vente à même le sol. Sur la grève on répare les bateaux mis sur cale, on démêle les filets…

Palitana, le chemin sacré des pèlerins jaïns
 





Les Jaïns ne sont pas plus de 1% en Inde, Gujarat et Rajasthan, mais le contraste est impressionnant entre la splendeur de leurs temples, dentelles minérales de marbre blanc, et l’austérité de leurs règles religieuses.




 A Palitana, 20 km de Bhavnagar, il faut deux heures pour gravir les 3 900 marches qui donnent accès à la profusion des temples dédiés à Mahâvîra, contemporain de Bouddha. Certains, trop fatigués, montent en chaise à porteur mais la récompense de l’effort est au sommet.

Dans le spectacle des 863 temples dominant la vallée, animés par ces pèlerins au crâne rasé, entièrement vêtus de blanc qui vivent dans un strict respect de tout être vivant…